Oscars : pourquoi la nomination de cette actrice fait polémique

Campagne déloyale selon certains. Hypocrisie pour les autres. Hollywood lave le linge pas toujours doré des oscars en public.

English actress Andrea Riseborough arrives for the BAFTA Tea Party at the Four Seasons Hotel in Los Angeles, California, on January 14, 2023. (Photo by Michael Tran / AFP)
Andrea Riseborough, lors des BAFTA, à Los Angeles, le 14 janvier. ©AFP or licensors

Le bureau des gouverneurs de l’Académie des arts et des sciences du cinéma, qui organise les oscars, s‘est réuni le 31 janvier, afin d’évaluer les éventuelles violations de son règlement et de s’assurer que la campagne pour les nominations des oscars 2023s’est déroulée de manière équitable et éthique”, qu'“aucune directive n’a été violée” et si “de nouvelles directives sont requises à l’heure des réseaux sociaux et de la communication digitale”.

Cette réunion d’urgence a fait suite aux interrogations suscitées par la nomination à l’oscar de la meilleure actrice à Andrea Riseborough. Les nominations ont été rendues publiques le 24 janvier. L'actrice britannique est nommée pour son interprétation d’une mère alcoolique dans le film de Michael Morris To Leslie (qui n’est pas encore sorti en Belgique).Aux yeux de certains, cette nomination serait le fruit d’une campagne de lobbying qui aurait violé les règles internes de l’Académie.

Après délibération, l'instance a confirmé la nomination d'Andrea Riseborough, estimant que la nature de la campagne de l'actrice "n'a pas atteint un niveau qui justifierait une annulation." Le bureau des gouverneurs relève toutefois des méthodes de lobbying via les réseaux sociaux jugées "préoccupantes".

La nomination d'Andrea Riseborough face à Cate Blanchett (nommée pour Tàr) ou Michelle Yeoh (dans Everything Everywhere All at Once) a surpris certains observateurs. Non parce qu’elle ne serait pas méritée, parce qu’il est inhabituel qu’un ou une interprète qui n’a été nommée dans aucune remise de prix qui émaillent la fin et le début d’année puisse se retrouver dans le carré final des oscars. La vague des réactions a été alimentée par l'absence de toute actrice afro-américaine parmi les actrices nommées.

L’Académie compte un peu plus de 6 000 professionnels répartis en 17 collèges professionnels. Les collèges votent pour les nominations de leur catégorie – soit 1302 membres pour les acteurs – mais tous les membres votent pour l’attribution des 23 oscars.

Une campagne intense

Chaque année, la période précédant le scrutin occasionne une campagne intense de la part des producteurs ou distributeurs afin de promouvoir leurs films et leurs vedettes auprès des votants. Cocktails, rencontres publiques, publicité et entretiens dans les médias influents, projections privées, parrains prestigieux font partie de cette stratégie.

L’Académie essaie toutefois d’encadrer cette campagne aux importants enjeux financiers par certaines règles comme la restriction des réceptions privées et l’interdiction d’envois de messages électroniques publicitaires en faveur d’un candidat. “Toute tactique afin de distinguer un titre ou une personne est expressément interdite” et passible d’un an de suspension pour les membres, selon le règlement de l’Académie. Il est interdit aux candidats ou représentants de contacter directement (par téléphone ou e-mails) les membres votants de l’association.

Dans la dernière ligne droite précédant les nominations, il y a eu un buzz soudain autour d’Andrea Riseborough, accompagné d’une forme de lobbying de la part de célébrités. Gwyneth Paltrow, Edward Norton et Courteney Cox, entre autres, ont battu le rappel en faveur de l’actrice sur les réseaux sociaux. La question est de savoir si l’actrice et son entourage ont emporté la nomination grâce à une campagne low cost ou des pratiques déloyales, notamment via les réseaux sociaux.

La BBC a rapporté l’exemple d’un post sur le compte Instagram officiel du film To Leslie, qui citait un critique du Chicago Sun-Times, comparant les performances de Cate Blanchett et d’Andrea Riseborough. La possibilité d’une annulation de la nomination de l’actrice semble faible aux yeux des observateurs. L’agitation médiatique sur le sujet suscite des mèmes moqueurs.

Hypocrisie et gros sous

Le site spécialisé Variety a sondé des membres de l’Académie, sous couvert d’anonymat. Leurs réponses dénoncent l’hypocrisie qui semble entourer les soupçons formulés à l’encontre de l’actrice britannique… et confirment le secret de polichinelle : les oscars sont bien une question d’argent, d’influence et de réseau.

”Sa campagne a-t-elle été agressive ? Totalement. Elle voulait [cette nomination] mais qui ne la veut pas ? Meryl [Streep] la veut et Cate [Blanchett] aussi” affirme un producteur. “Je ne sais ce qu’ils ont investi. C’est toujours une question d’argent. Tout le monde joue le jeu. Il y a des gagnants. Et des perdants. L’Académie ne sévira pas. Sinon ils devraient tous nous pénaliser.”

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L'Académie ne sévira pas. Sinon ils devraient tous nous pénaliser."

”Savez-vous combien de films et de studios violent les règles ?", interroge un votant, actif dans le marketing et les relations publiques. “Et je parle de chaînes d’e-mails qui sollicitent ouvertement les membres [de l’Académie]. L’équipe de Riseborough n’a rien fait de plus que ce que l’on voit chaque année. Et peut-être plus dans le respect des règles que le contraire…”

”La nomination d’Andrea énerve parce que son équipe l’a décrochée sans engloutir les sommes que l’on sait dans l’achat de trente panneaux publicitaires sur Sunset Boulevard”, estime un autre.

Un votant du collège acteur commente : “Honnêtement, je crois que certains ne comprennent pas comment une femme qui a joué dans un film inconnu a pu décrocher une nomination uniquement sur foi de son interprétation. Si on lui retire sa nomination, ce serait désavouer le vote des acteurs, car le choix de nommer une personne nous appartient.”

Il ne coûte rien de souligner que Cate Blanchett, donnée grande favorite, a loué la performance d’Andrea Riseborough en recevant le Prix de la meilleure actrice lors des Critics' Choice Movie Awards, le 15 janvier… quelques jours avant la clôture des votes pour les nominations. Irait-on la soupçonner de lobbying déloyal contre elle-même ?

  • Article modifié le 1er février à 8h00 afin d'intégrer la décision de l'Académie des oscars.
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