"Carol", de Todd Haynes : exercice de style
C'est l'histoire d'un coup de foudre au rayon jouets d'un grand magasin new-yorkais. La grande bourgeoise dans son manteau de fourrure l'a senti de suite mais la jeune vendeuse avec son bonnet de père Noël a été surprise par cette violente sensation à l'égard d'une autre femme.
- Publié le 17-05-2015 à 08h54
- Mis à jour le 18-05-2015 à 09h19
C'est l'histoire d'un coup de foudre au rayon jouets d'un grand magasin new-yorkais. La grande bourgeoise dans son manteau de fourrure l'a senti de suite mais la jeune vendeuse avec son bonnet de père Noël a été surprise par cette violente sensation à l'égard d'une autre femme.
Il ne s'agit pas pour Todd Haynes ne nous faire « la vie d'Adèle », ni même de se prendre pour Douglas Sirk, son scénario est réduit au minimum. Une femme en instance de divorce voit son mari utiliser sa préférence sexuelle pour obtenir la garde exclusive de leur enfant. Sur l'écran, c'est une péripétie, le cœur est du film bat entre ces deux femmes et c'est au style que Todd Haynes confie le soin de le raconter .
Henri Langlois, le mythique conservateur de la Cinémathèque française disait que le cinéma relevait des arts plastiques. Le cinéaste américain de « Far from Heaven » ne risque pas de le contredire tant « Carol » tient de la toile avec une véritable texture et un travail très sophistiqué sur les couleurs. Le film n'a pas été écrit avec un stylo mais avec de la lumière, celle qui se réfracte au travers des vitres, qui se reflète sur le bitume mouillé, qui dessine des arabesques avec les phares de voiture . Et quelles voitures! Toutes des années 50 avec leurs teintes improbables et leurs courbes de pin-up bien en chair. Les costumes, les bâtiments, les intérieurs racontent cette histoire où les comédiennes parlent plus avec leur regard, leur vernis, leur peau qu'au moyen du dialogue. Il se dégage une émotion purement plastique, Haynes faisant le choix de ne dramatiser qu'une seule scène au moment où la boucle du récit se referme à la façon de « Ecrit sur le vent » de Douglas Sirk. Mais si on pense au maître du mélodrame, c'est surtout à cause des fifties car Haynes est bien plus proche de Terence Davies. Cate Blanchett est idéale pour l'époque. Quant à Rooney Mara, dont le film raconte l'éclosion, elle ressemble à s'y méprendre à Audrey Hepburn lorsqu'elle atteint son plein épanouissement.
Un pur exercice de style , parfaitement maitrisé.