"Dheepan", de Jacques Audiard: le révélateur tamoul
Sur le bûcher où brulent les corps de ses amis massacrés, Dheepan, un combattant tamoul jette sa tenue militaire et enfile des vêtements civils. La guerre, c'est fini, il faut partir. Comme une famille a plus de chance d'obtenir l'asile politique, un hasard pro-actif lui apporte une femme et une orpheline de 9 ans. Critique.
- Publié le 21-05-2015 à 17h19
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Sur le bûcher où brulent les corps de ses amis massacrés, Dheepan, un combattant tamoul jette sa tenue militaire et enfile des vêtements civils. La guerre, c'est fini, il faut partir. Comme une famille a plus de chance d'obtenir l'asile politique, un hasard pro-actif lui apporte une femme et une orpheline de 9 ans.
Audiard va-t-il nous raconter l'autre parcours du combattant? Celui du réfugié. Non, ce film a déjà été fait, souvent. Donc pas de passeur, pas de bateau pourri en Méditerranée, pas de clandestinité, pas de faux papiers. Enfin si mais tant que les autorités les croient authentiques. Pas de blocage à l'office des étrangers, le traducteur ayant dit ce que le fonctionnaire voulait entendre. Le trio est pris en charge et , Dheepan décroche le job de gardien d'immeuble dans une cité en banlieue. En fait, Audiard ne quitte pas son trio et met en scène sa découverte de notre occident sur le mode des lettres persanes de Montesquieu. Ils sont tamouls mais ils pourraient être extra-terrestres. Il y a l'obstacle de la langue évidemment que la gamine surmonte plus rapidement. Celui de la culture qui n'est pas moins grand. Apprendre à manger avec des couverts, tenir compte du deuxième nom pour classer le courrier, porter un voile car toutes les femmes en portent dans la cité. Ne pas sourire car cela n'a manifestement pas le même sens à Ceylan qu'en France.
Non seulement , chaque film de Jacques Audiard réussit à regarder son sujet d'un angle original, mais chaque film raconte aussi une naissance, l'entrée brutale, le passage radical dans un autre monde sans retour possible. C'est l'entrée en prison pour un jeune délinquant dans « Le Prophète ». C'est la réalité du handicap pour la dresseuse d'orques d'un parc aquatique dans «De rouille et d'os ». C'est la vie de famille qui se pose intimement à ce trio. Pour Dheepan, cette histoire est avant tout autre celle d'un homme qui vit avec une femme qui n'est pas sa femme et une fille qui n'est pas sa fille. Et vice versa pour tous les trois. Il ne s'agit pas pour eux de jouer la comédie pour l'extérieur car pas plus que leurs papiers, leur cellule familiale n'est mise en doute. En revanche a l'intérieur!
Voila donc un mélodrame très original qui se joue avec des sentiments qui se cherchent. Comment avoir l'instinct maternel quand on n'a jamais eu d'enfant par exemple? Une question parmi beaucoup qui de ce film un authentique révélateur dont on regrettera l'artificialité des séquences finales.