Les Dardenne et César Diaz, une exceptionnelle moisson belge à Cannes
Une Caméra d'or et un Prix de la Mise en scène ; le cinéma belge vient d'accomplir une razzia sur le palmarès du plus grand festival du monde. C'est exceptionnel.
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Publié le 25-05-2019 à 22h17 - Mis à jour le 29-05-2019 à 09h58
Une Caméra d'or et un Prix de la Mise en scène ; le cinéma belge vient d'accomplir une razzia sur le palmarès du plus grand festival du monde. C'est exceptionnel.
La Caméra d’or récompense un premier film présenté à Cannes, toutes sections confondues. Il y en avait 27, cette année, et c'est « Nuestras Madres », premier long métrage de fiction de César Diaz qui l'a emporté. A première vue et à première écoute - il est parlé espagnol - ce film n’a pas un profil très belge. Et pourtant, il s'agit bien d'une production majoritaire de la Fédération Wallonie -Bruxelles réalisée par un jeune homme arrivé du Guatemala à 19 ans et qui a étudié le cinéma, plus spécifiquement le scénario Elicit à l'ULB. Le film évoque une page tragique de l’histoire du Guatemala, lorsque, dans les années 80, l'armée et les groupes d'extrême-droite ont massacré 220.000 personnes, principalement des Indiens mayas. La particularité de « Nuestras Madres » , c'est son ton d'une étonnante délicatesse, d’une émouvante dignité.
Quant aux frères Dardenne, Prix de la Mise en scène, c'est une récompense prestigieuse s'il en est et qui manquait à leur exceptionnelle collection cannoise qui compte deux Palmes d'or, un Grand prix du jury, un prix du Scénario, sans parler des deux prix d'interprétation, pour Émilie Dequenne et Olivier Gourmet. Cadre serré, acteurs inconnus, approche physique ; « Le Jeune Ahmed » marque leur retour à leur modèle Rosetta en suivant au plus près un garçon aux deux visages, celui d'un enfant et celui d'un terroriste. Un film dérangeant et haletant qui pose frontalement la question de la déradicalisation. Sur les écrans depuis mercredi.
Parasite, 132 minutes de pur cinéma
Pour le reste, le jury de d’Alejandro Gonzales Inarritu s'est montré en phase avec les coups de coeur des festivaliers. Palme d'or, « Parasite » de Bong Joon Ho a emballé la Croisette. Le réalisateur coréen de « The Host » et de « Snowpiercer » met en scène deux familles de Séoul, l'une très riche l'autre très pauvre mais rusée qui se fait engager au service de la première. On ignore si on est dans une comédie ou un thriller car Bong Joon a le sens de l’humour et du suspense. Mais plus le récit avance, plus on voit apparaître au-delà des péripéties, de la tension dramatique et de la multiplication des genres, une peinture de la lutte des classes abordée sous l'angle des odeurs. 132 de minutes de pur cinéma qui enchantera tous les publics.
Ensuite, le jury a fait le choix de soutenir la nouvelle génération, ce qui a largement profité au cinéma français qui, place trois films au palmarès mais dans un ordre inattendu. On attendait « Portait d'une jeune fille en feu » de Céline Sciamma plus haut dans la hiérarchie que le prix du scénario. Certains la voyaient avec la Palme ou le Grand prix, la médaille d'argent. C'est Mati Diop qui l'a emporté avec « Atlantique ». Cette franco-sénégalaise rentre ainsi dans l'histoire, elle est la première femme noire à avoir été sélectionnée en Compétition et à avoir remporté un prix à Cannes. Quant au formidable « Misérables » de Ladj Ly, ce" Do The Right Thing » made in France, il a reçu le prix du jury, partagé avec « Bacurau ».
C'est sans doute à sa sobriété dans « Little Joe » qu'Emily Beecham doit son prix d'interprétation féminine. Et le prix d’interprétation masculine consacre Antonio Banderas qui a attendu 40 ans cette récompense majeure. Cela valait la peine, dans « Douleur et gloire » d'Almodovar, il tient le rôle de sa vie.