Gérard Depardieu, une grande carcasse fragile en ouverture de la Semaine de la Critique
Ce mercredi matin, alors que Juliette Binoche épatait dans Ouistreham d'Emmanuel Carrère en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, Gérard Depardieu, tout aussi absent de la Croisette que sa consoeur, lançait la Semaine de la Critique dans un brillant auto-portrait dans Robuste de Constance Meyer.
Publié le 07-07-2021 à 11h09 - Mis à jour le 07-07-2021 à 19h12
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Ce mercredi matin, La Semaine de la critique s’est ouverte avec Robuste, premier long métrage de la Française Constance Meyer mettant en scène un Gérard Depardieu plus vrai que nature dans un exercice d’autodérision drôle, poétique et émouvant.
La jeune réalisatrice avait déjà fait tourner la star pachydermique dans son court métrage Rhapsody en 2015. Depardieu y campait un sexagénaire vivant seul dans un petit appartement d'une tour anonyme. Robuste explore à nouveau le thème de la solitude, mais cette fois celle de Georges, une star capricieuse, incapable de se prendre en charge, alors qu'elle vient de renoncer sans préavis au tournage d'un gros film de studio américain... Alors que tout le monde est réuni chez lui pour des essais costumes pour son prochain film, il préfère laisser tout le monde en plan. "Bon, je dois y aller. Je suis pressé. Il y a du rosbif au frigo si vous voulez..."
Dans cet exercice de mise en abîme, l’acteur est juste parfait, se riant avec un plaisir évident de son image et débitant avec aplomb des répliques qu’il aurait pu écrire:"Moi j’aime pas faire bien mon travail. J’aime faire chier les gens!" Ou bien: "Le cinéma rend con!"

Les abysses de la solitude
Comme dans Welcome to New York d'Abel Ferrara en 2014 (où il campait DSK) ou dans le très curieux The End de Guillaume Nicloux en 2016, Depardieu se livre corps (surtout) et âme. Depuis une dizaine d’années, Depardieu n’est jamais aussi bon que quand il joue Depardieu. Que lorsqu'il confie à un réalisateur son corps lourd, sa respiration sifflante, l’immense fragilité de sa carcasse massive. Dans un autoportrait troublant et souvent éminemment touchant.
Depardieu donne ici la réplique à l’excellente Déborah Lukumuena (César du meilleur second rôle féminin en 2017 dans Divines), qui campe Aïssa, une championne de lutte chargée de la protection rapprochée (façon baby-sitting) de l'acteur. Tout aussi corpulente que lui, la jeune femme vient d’un autre monde, mais se reconnaît pourtant dans la solitude du vieil homme... Dans une pièce noire, Georges collectionne, dans un aquarium éclairé à la lumière ultra-violette, des poissons des abysses. "Tu les trouves comment?", demande-t-il à la jeune fille. "Difformes…", répond-elle. "Difformes, mais beaux quand même non?", s'interroge-il... Une réplique qui résume parfaitement la tonalité de ce premier long métrage drôle et émouvant. Et dans lequel, au-delà de l’autoportrait savoureux de l’acteur préférant bouffer et picoler plutôt que d’apprendre son texte ou de suivre des cours d’escrime pour son prochain film en costumes, Depardieu se livre intimement.
