Virginie Efira, mystique saphique sur la Croisette
Ce vendredi soir, l’actrice belge retrouvait Paul Verhoeven en Compétition du 74e Festival de Cannes dans le très attendu Benedetta, où elle incarne une religieuse du XVIIe siècle charnelle et ambiguë.
Publié le 09-07-2021 à 20h41 - Mis à jour le 09-07-2021 à 21h58
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Vendredi en début de soirée, le 74e Festival de Cannes a enfin découvert Benedetta de Paul Verhoeven, film qui aurait déjà dû être présenté lors de l’édition 2019… Cinq ans après avoir impressionné la Croisette avec Elle, porté par Isabelle Huppert, le cinéaste néerlandais retrouve Virginie Efira. Et cette fois, l’actrice belge occupe le premier rôle. Celui de Benedetta Carlini, religieuse mystique qui aurait pu être béatifiée — pour les miracles qui la rendirent célèbre au XVIIe siècle —, mais qui sera au contraire jugée pour « blasphème, hérésie et bestialité ». Un autre terme pour homosexualité. Benedetta Carlini est en effet un personnage historique important de la spiritualité féminine, mais aussi dans l’histoire du lesbianisme.

Sensualité et ironie
Cinéaste de l’ambiguïté, Verhoeven offre ici un rôle complexe à l’actrice belge, habituée du tapis rouge cannois, qu’elle a notamment arpenté pour Elle, mais aussi pour Le Grand bain de Gilles Lellouche en 2018 et pour Sibyl de Justine Triet en 2019. Vendredi soir, elle était au centre de tous les regards pour un film qu’elle porte entièrement sur les épaules et dans sa chair.
Ce que filme Verhoeven dans Benedetta, c’est en effet la découverte par la jeune religieuse de la sexualité au sein du couvent de Pescia, en Toscane, où l’ont placée ses riches parents dès l’enfance, placée sous la protection d’une abbesse près de ses sous (Charlotte Rampling).
Une sexualité dans la grande tradition mystique, c’est-à-dire indissociable de la dimension religieuse. Son trouble pour la jeune novice qui partage sa cellule, Benedetta le lit en effet comme un appel du Christ (avec qui elle prétendait être en contact régulier), comme une preuve de son amour… Mais s’il met en scène l’un ou l’autre miracle de Benedetta, s’il filme ses stigmates ou s’il s’offre quelques scènes de visions mystiques assez osées, Verhoeven le fait avec une distance ironique appuyée, laissant toujours planer le doute quant à l’honnêteté de l’héroïne.

Farce mystique
Comme on peut s’en douter de la part de Verhoeven, Benedetta n'est pas une « vie de sainte ». Dans cette adaptation de l’ouvrage historique Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne, publié en 1987 par Judith C. Brown, on est plutôt du côté de la farce, parfois très appuyée, jusqu’au grotesque. Ce qui ne manquera pas de faire grincer des dents…
Ce qui intéresse le cinéaste, c’est en effet la femme derrière la religieuse, celle qui est dévorée par les passions les plus humaines, qu’elles soient charnelles — dans des scènes assez crues pour Efira, face à la jeune actrice belgo-grecque Daphné Patakia — ou plus terre-à-terre. Car le film met aussi l’accent sur les jeux de pouvoir au sein du couvent, mais aussi au sein de la paroisse de Pescia — qui se verrait bien la nouvelle Assise si elle se trouvait une sainte… — et de l’évêché de Toscane (dirigé par Lambert Wilson). Où la religion se semble se résumer à une comédie, dans un théâtre où chacun joue son rôle sans que la question de la foi ne se pose réellement…
Avec Benedetta, nettement moins abouti que Elle, Paul Verhoeven n'a en tout cas pas réellement enflammé la Croisette, laissant sceptiques une partie des festivaliers...
