À Cannes, Wang Bing livre un portrait doux-amer de la jeunesse ouvrière chinoise
Ce jeudi après-midi en Compétition du 76e Festival de Cannes, le cinéaste chinois était en lice avec Jeunesse (Printemps), un documentaire au long cours de 3h30 sur les jeunes travailleurs du textile.
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Publié le 18-05-2023 à 18h05
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Cinéaste chinois habitué des festivals – il avait présenté Le Fossé et Les Trois Sœurs du Yunnan à Venise en 2010 et 2013, avant de remporter le Léopard d’or à Locarno avec Mrs. Fang en 2017 –, Wang Bing était déjà venu à Cannes en 2018 avec Les Âmes mortes. Il est de retour cette année sur la Croisette avec deux films. Mardi, on découvrira en séance spéciale sa nouvelle fiction Man in Black. Ce jeudi après-midi, il faisait sa première entrée dans la Compétition cannoise avec Jeunesse (Printemps), un documentaire de 3h30, premier opus de ce qu’il annonce comme une trilogie.
Ce n’est pas la première fois que le cinéaste s’essaye au documentaire. Après s’être intéressé à la population masculine d’un hôpital psychiatrique dans À la folie en 2013, Wang Bring tourne cette fois son regard vers la jeunesse chinoise. Et plus exactement vers la jeunesse ouvrière.
Coproduit avec les Pays-Bas et la France, Jeunesse (Printemps) nous plonge à Zhili, une ville située à 150 km de Shanghai entièrement dévouée à l’économie du textile. On y rencontre de jeunes ouvriers, âgés de 16 à 30 ans, venus des campagnes alentour pour travailler dans des ateliers miteux, installés le long de la très ironique “Rue du Bonheur”.

Dans l’atelier du monde
À l’aide de trois caméras – que semblent totalement oublier les protagonistes – et sur plusieurs années, Wang Bing a enregistré patiemment le quotidien de ces jeunes Chinois. D’un atelier à l’autre, se répètent plus ou moins les mêmes scènes : les chamailleries, les flirts entre filles et garçons, les vrais faux projets de mariage, les cadences infernales derrière les machines à coudre, l’envie d’un nouvel iPhone… La caméra les suit dans la rue, jonchée de détritus, où ils s’achètent un truc à manger ou dans leurs dortoirs décatis, où ils continuent à discuter sans fin, à rire, à pianoter sur leur portable, à fumer…
Et quand ils expriment une part de rêve, c’est toujours modeste : gagner assez d’argent pour se marier et fonder une famille. Même chose pour leurs revendications salariales, quand ces travailleurs peinent à obtenir quelques centaines de yuans supplémentaires de leur patron. Et ce sans manifester une quelconque prise de conscience politique à propos du système qui les exploite. Et auxquels ils participent eux-mêmes, en commandant en ligne quelques articles de cette “fast-fashion” qui les emploie…

L’essence d’une jeunesse
Dans son film, Wang Bing adopte un regard strictement objectif, sans aucune intervention apparente, avec très peu d’éléments de contexte (sinon le nom et l’âge des protagonistes). Le premier volet de Jeunesse dure 3h30, mais il pourrait durant plus longtemps ou moins… On reste constamment fasciné par ce que le cinéaste parvient à capter de l’essence de cette jeunesse chinoise prise dans le flux de la modernité, en rupture avec le monde qu’ils ont quitté pour venir s’entasser dans cet atelier du monde… Où ils subissent non seulement la pression leur patron et de leurs parents, mais plus largement d’une société chinoise hyper compétitive…

Jeunesse (Printemps) /Qing Chung (Chung) Documentaire De Wang Bing Durée 3h32
