Le film ”Mambar Pierrette” à Cannes : Vingt-quatre heures de la vie d’une mère de Douala
La cinéaste Rosine Mbakam revient à la fiction pour évoquer le quotidien d’une couturière, sorte de mère-courage emblématique de l’Afrique d’aujourd’hui. Le film a été présenté ce dimanche à la Quinzaine des cinéastes à Cannes.
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Publié le 21-05-2023 à 17h38
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De la préparation du repas pour sa mère malade et ses trois enfants, le matin, au rangement de sa petite boutique et de son atelier de couture, en soirée, Mambar Pierrette** semble ne jamais arrêter de trimer. Les temps sont durs, les denrées et les biens ne font qu’augmenter et les clientes négocient de plus en plus âprement le prix de la confection des uniformes ou des tenues de deuil et de mariage. Chacune a son lot de soucis qu’elle n’hésite pas à lui partager. Entre panne de machine et coupure de courant, Pierrette coupe, assemble et coud pour assurer la survie de son clan.
La cinéaste Rosine Mbakam vient du documentaire et cela se voit à sa façon de respecter les silences et de suivre au plus près les gestes du quotidien. Pour cette deuxième fiction, elle se place dans les pas de la couturière Mambar qui tente de faire front face aux difficultés. Achat des fournitures scolaires et confection des uniformes de ses deux plus jeunes enfants, réparation de sa machine à coudre et paiement des factures d’électricité. Pierrette semble ne jamais avoir de répit entre les dépenses qui s’accumulent et les inondations qui menacent son habitation. D’autant qu’elle n’est pas mariée et que le père de ses enfants ne semble pas du tout se soucier d’eux.

Même lorsque Rosine Mbakam tourne en Belgique, comme ce fut le cas pour trois de ses précédents documentaires – le formidable Chez Jolie coiffure, ancré dans le quartier Matonge, Les Prières de Delphine et même le très beau Prism, réalisé à six mains – son pays natal n’est jamais éloigné de ses préoccupations, occupant toutes les pensées des femmes qu’elle filme.
Des femmes qui tiennent toute leur famille à bout de bras
Revenant aux rives de la fiction, comme pour son tout premier projet Tu seras mon allié, Rosine Mbakam salue la détermination et la force de caractère de Pierrette qui ne se laisse jamais abattre malgré les imprévus et les coups du sort.
Constamment installée à ses côtés, la cinéaste souligne son combat quotidien acharné pour mettre ses enfants à l’abri du besoin et les élever dans la dignité. Cette Afrique de femmes fières, indépendantes et résilientes, qui triment et tiennent des familles entières à bout de bras, Rosine la connaît bien, elle qui travaille tant en Belgique que dans son Cameroun natal. Car même si l’enchaînement de problèmes, qui lui tombent sur le coin de la tête en l’espace de quelques heures, est de l’ordre de la fiction, il illustre une réalité souvent croisée en Afrique qui explique que certains décident de fuir vers un ailleurs moins hypothétique et moins cruel.
La précarité et les mirages de l’immigration sont au cœur de ce film, où la situation des jeunes (filles et garçons) ou des artistes n’est guère plus enviable. Présenté dans le cadre de la Quinzaine des cinéastes, le film aurait gagné à prendre encore plus clairement la voie de la fiction.