Wes Anderson revient à Cannes en famille
Ce mardi soir, Wes Anderson a offert à la Compétition du 76e Festival de Cannes un tapis rouge de folie avec un incroyable défilé de stars venues présenter son nouveau film “Asteroid City”. Une irrésistible comédie toujours aussi inventive.
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Publié le 23-05-2023 à 19h15
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En 2021, Wes Anderson présentait en Compétition à Cannes The French Dispatch, une comédie pétillante comme un bon champagne (mais un peu vide). Deux ans plus tard, le voilà déjà de retour avec Asteroid City, au casting plus stratosphérique encore ! Tom Hanks, Steve Carell ou Matt Dillon rejoignent ainsi la famille Anderson (Jason Schwartzman, Scarlett Johansson Jeffrey Wright, Tilda Swinton, Bryan Cranston…).
On quitte la France de pacotille des années 1960 pour l’Ouest américain, tout aussi fantasmé, avec ces paysages orangés, ce diner, ces Pontiac rutilantes, ces cow-boys tout droit sortis d’une publicité pour cigarettes… Bienvenue à Asteroid City, bourgade perdue au milieu du désert qui, en 1955, célèbre le Jour de la Météorite, qui a laissé ici un grand cratère en 3007 avant J.-C. À cette occasion, l’armée américaine décernera le prix du meilleur Cadet de l’espace. Les cinq prétendants débarquent avec leurs parents, s’installant dans le motel de ce bled perdu au milieu de nulle part, avec, au loin, le grondement et les champignons des essais atomiques…

Un film “wesandersonien”
En une image, on est immédiatement plongé sans l’univers de Wes Anderson avec ces décors stylisés fourmillant de détail ou ce train miniature rappelant celui de À bord du Darjeeling Limited… On ne va pas reprocher à Wes Anderson de faire du Wes Anderson. D’autant que si le dispositif formel est tout aussi éblouissant qu’à l’habitude, la belle mécanique tourne moins à vide que dans The French Dispatch.
Est-ce parce qu’il retrouve les États-Unis (après la France donc, mais aussi le Japon dans Isle of Dogs ou la Mittle Europa dans The Grand Budapest Hotel) ? Le cinéaste semble infuser Asteroid City (toujours coécrit avec Roman Coppola) de thèmes un peu plus personnels. Comme dans La Famille Tenenbaum en 2001, La Vie aquatique en 2004 et le magnifique Moonrise Kingdom en 2012, il est en effet ici question de relations compliquées entre parents et enfants. Notamment à travers les deux personnages les plus développés, campés par le fidèle Jason Schwartzman (présent aux côtés du cinéaste depuis Rushmore en 1998) et par Scarlett Johansson. L’un, photographe de guerre, trimbale sa ribambelle d’enfants depuis la mort de sa femme, en espérant les refourguer à son beau-père (Tom Hanks). L’autre est une star vivant uniquement pour sa carrière, quitte à négliger sa fille… De quoi apporter une vraie profondeur et une tonalité plus grave à cette ébouriffante explosion visuelle.

L’amour de la fabrication
Comme toujours, très ludique, Wes Anderson aborde son film en artisan, construisant minutieusement chaque tableau, peaufinant chaque dialogue, rejetant toute forme de naturalisme, que ce soit dans les décors, les costumes, le cadre, le jeu des acteurs… Après avoir enchâssé ses histoires au sein d’un magazine américain dans The French Dispatch, il utilise cette fois une autre forme de mise en abîme, en nous présentant Asteroid City comme une pièce de théâtre pour la télévision américaine. On oscille ainsi entre la fabrication de la pièce en format 4/3 et noir et blanc, aux côtés du présentateur (Bryan Cranston), de l’auteur (Edward Norton), du metteur en scène (Adrian Brody)…, et l’histoire elle-même, tournée en scope et en couleurs. Anderson passe parfois de l’un à l’autre sans transition, pour briser un peu plus encore le quatrième mur et souligner son rôle de brillant conteur d’histoires.
Une fois encore, Asteroid City est une merveilleuse machine à laquelle il est impossible de résister. Et à entendre la pluie d’éloges que le cinéaste reçoit de ses acteurs sur l’ambiance familiale qu’il parvient a créer (en ayant, par exemple, fait vivre ensemble sa trentaine de stars durant le tournage du film en Espagne), on sent que le plaisir est partagé par ses collaborateurs. Cette façon de travailler, de rassembler autour de lui une vraie famille créative, est qui plus parfaitement en accord avec un film qui aborde justement par le biais de la comédie et, cette fois, de la science-fiction, la question de la famille. C’est en cela que Wes Anderson est clairement un auteur qui a réussi à imposer sa marque au sein du système hollywoodien.

Asteroid City Comédie De Wes Anderson Scénario Wes Anderson et Roman Coppola Photographie Robert Yeoman Musique Alexandre Desplat Montage Barney Pilling Avec Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks, Jeffrey Wright, Tilda Swinton… Durée 1h44
