Avec “La Passion de Dodin Bouffant”, Tran Anh Hùng donne faim à la Croisette
Présenté en Compétition ce mercredi soir à Cannes, ce drame gastronome porté par Benoit Magimel et Juliette Binoche a sacrément mis en appétit, avec son charme désuet et sa vision de la cuisine comme un bonheur à partager avec ceux que l’on aime…
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Publié le 25-05-2023 à 09h29
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Présenté mercredi soir en Compétition du 76e Festival de Cannes, La Passion de Dodin Bouffant a offert un parfait contraste avec Club Zero, dévoilé lundi en Compétition. Si la cinéaste autrichienne Jessica Hausner mettait en scène une bande d’ados au rapport problématique avec la nourriture, Tran Anh Hùng livre au contraire une ode à la gastronome française qui a ouvert l’appétit des festivaliers !

La cuisine comme un ballet
Campagne française, vers 1855. Habitant un beau château, le riche Dodin (Benoît Magimel) est considéré comme “le Napoléon de la gastronomie”. Avec Eugénie (Juliette Binoche), sa cuisinière depuis 20 ans, ils préparent le déjeuner du jour, pour le petit cercle de gastronomes orbitant autour du gentilhomme.
Eugénie a ramassé des laitues au jardin. Une fois cuites au four, elles accompagneront le carré d’agneau. Pièce maîtresse d’un repas qui s’ouvrira par un consommé de poisson, suivi de quenelles de brochet, d’un vol-au-vent aux écrevisses, d’un turbot poché au lait et qui se clôturera sur une belle omelette norvégienne… Le tout accompagné de grands vins de Bourgogne.
La confection de ce premier repas est un moment de bravoure. Pendant 25 minutes, Tran Anh Hùng filme avec précision les différentes étapes de la préparation de chaque plat, se concentrant sur les gestes précis aux fourneaux, mais aussi sur le ballet des corps qui se frôlent en cuisine dans une chorégraphie savamment orchestrée. La scène est magistrale d’évidence, de simplicité, de naturel. À l’issue de cette journée de plaisir, Dodin demande simplement à Eugénie : “Puis-je venir frapper à votre porte cette nuit ?” “Essayez toujours…”, lui répond-elle. Tout est dit du lien qui unit ces deux passionnés de cuisine.

L’amour de la cuisine
Trente-six ans après l’inoubliable film du Danois Gabriel Axel avec Stéphane Audran, Tran Anh Hùng signe, à 60 ans, son Festin de Babette. Si la période est la même, le XIXe siècle, l’ambiance et le ton sont très différents. Adaptant La Vie et la passion de Dodin-Bouffant gourmet, roman publié en 1924 par l’écrivain franco-suisse Marcel Rouff (proche du célèbre Curnonsky, “le prince des gastronomes”), le cinéaste nous plonge dans un univers de plaisir et de partage, autour de la grande cuisine classique française. Et ce avec le concours du chef trois-étoiles Pierre Gagnaire, qui a droit à un caméo.
Second film français du Vietnamien après Éternité, avec Audrey Tautou en 2016, La Passion de Dodin Bouffant est un film intemporel où, comme dans L’Odeur de la papaye verte (Caméra d’or ici à Cannes en 1995), Tran Anh Hùng filme la cuisine avec une sensualité infinie. Et quand ses personnages dégustent tous ces plats mitonnés avec minutie, ils ne sont pas loin l’extase… Les spectateurs non plus, comme en témoignent les nombreuses onomatopées dans la salle: Mmmh, Oooh…
Volontairement naïf, fidèle à l’esprit de la gastronomie originelle du XIXe siècle, Le Festin de Dodin Bouffant est une merveille de mise en scène. Un petit miracle de cinéma, renforcé par la présence magnétique à l’écran de Juliette Binoche et Benoît Magimel. De leur passé commun – ils s’étaient rencontrés sur le tournage des Enfants du siècle de Diane Kurys en 1998 –, il reste une vraie complicité, une douceur dans le regard. Ils portent à merveille cette idée toute simple du film que la meilleure cuisine, c’est celle que l’on fait pour ceux que l’on aime…

La Passion de Dodin Bouffant Gourmandise historique Scénario et réalisation Tran Anh Hùng (d’après La Vie et la passion de Dodin-Bouffant gourmet de Marcel Rouff) Photographie Jonathan Ricquebourg Montage Mario Battistel Avec Benoît Magimel, Juliette Binoche, Emmanuel Salinger, Patrick d’Assumçao, Jan Hammenecker… Durée 2h25
