Ken Loach, un vieux chêne qui ne rompt pas en Compétition à Cannes
Ce vendredi soir, le cinéaste anglais a clos la compétition du 76e Festival de Cannes avec “The Old Oak”. Un 29e long métrage toujours aussi engagé, sur l’accueil de migrants syriens dans un village déshérité du nord-est de l’Angleterre, avec lequel Loach fait sans doute ses adieux au cinéma.
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Publié le 26-05-2023 à 18h40
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Ken Loach est infatigable ! Après avoir annoncé plusieurs fois qu’il prenait sa retraite – il le dit depuis Jimmy’s Hall en 2014 -, le cinéaste anglais est donc, à bientôt 87 ans, sélectionné pour la vingtième fois au Festival Cannes, pour la 15e en Compétition ! Le vieil homme en colère est même en lice pour une troisième Palme d’or, après celles obtenues pour Le vent se lève en 2006 et Moi, Daniel Blake en 2016. Dernier film de la Compétition dévoilé vendredi soir, The Old Oak est un drame humaniste auprès des perdants du libéralisme forcené, sans doute pas assez intense pour que Loach puisse rêver d’une troisième Palme…
L’histoire prend place en 2016, dans une ancienne cité minière du nord-est de l’Angleterre, près de Durham. Un bus amène quelques familles de réfugiés syriens, dont la jeune Yara (Ebla Mari), qui parle déjà bien l’anglais. Dès son arrivée, celle-ci est victime de racisme, quand un jeune Anglais casse volontairement son appareil photo, un souvenir de son père, resté prisonnier des geôles de Bachar el-Assad… Au milieu de cette animosité affichée, Yara peut heureusement compter sur le soutien de T.J., patron du “Old Oak”, le dernier pub du village, où les habitués ne supportent pas l’idée que l’on vienne en aide à ces nouveaux arrivants, alors qu’eux-mêmes se démènent dans la pauvreté…

Se souvenir du passé pour agir
De nouveau tourné dans la région de Newcastle, comme Moi, Daniel Blake et Sorry We Missed You, de nouveau scénarisé par le fidèle Paul Laverty, The Old Loak ne surprendra personne. Comme Wes Anderson ou Aki Kaurismäki avant lui, Ken Loach fait du Ken Loach. Ça s’appelle avoir un style. Celui-ci est toujours aussi naturaliste pour mettre en scène le quotidien difficile d’une Angleterre à l’abandon. Et le regard du cinéaste sur ses personnages est toujours aussi bienveillant, humain.
“Pourquoi regardez-vous toujours les plus faibles en dessous de vous, au lieu de tourner les yeux vers le haut ? ”, demande TJ à ses clients, dont les réflexes bas de plafond les poussent à s’en prendre à ces pauvres bougres ayant tout abandonné pour échapper au régime syrien. Renouant progressivement avec ses engagements passés et avec le souvenir des grandes grèves de mineurs de 1984, le patron retrouve goût à la lutte et va organiser dans son établissement des repas gratuits ouverts à tous, Syriens comme locaux. Ce qui ne plaît pas à tout le monde…

“Force, solidarité, résistance”
Impossible de ne pas lire, derrière cette histoire, le programme politique de Ken Loach et de Paul Laverty. Tous deux engagés à gauche, ces soutiens de Jeremy Corbyn plaident dans The Old Oak pour la solidarité entre les plus faibles, seule façon, selon eux, d’échapper au péril de l’extrême droite. Mais, comme toujours, le discours est porté par les personnages (campés par des acteurs du cru, trouvés après six mois de casting) et par les situations. Et comme toujours, en mettant en scène la dignité de ces hommes et de ces femmes en lutte contre la bêtise, Loach parvient à toucher juste.
“Force, solidarité, résistance”, clame la bannière de cette communauté hétéroclite, qui mise sur la générosité plutôt que le repli sur soi. Une telle confiance en l’avenir, un tel optimisme dans l’engagement, une telle constance idéologique depuis Pas de larmes pour Joy en 1967 est profondément touchant de la part de Ken Loach. Comme son héros, le cinéaste est un vieux chêne qui refuse de se laisser abattre et qui continue de croire à la lutte et à la solidarité. Comme en témoigne la dernière scène, déchirante, de The Old Oak et qui sera peut-être la dernière de son œuvre…
Même si, jeudi après-midi en interview, Ken Loach paraissait plutôt en forme et combatif, précisant que c’était “sans doute” son dernier film. “J’ai beaucoup d’autres choses pour m’occuper”, précise-t-il, comme le combat aux côtés des syndicats, “où je ne suis pas un cinéaste, juste un camarade comme les autres… ”

The Old Oak Drame naturaliste De Ken Loach Scénario Paul Laverty Photographie Robbie Ryan Montage Jonathan Morris Avec Debbie Honeywood, Reuben Bainbridge, Col Tait… Durée 2h
