“Green Border” : le drame des migrants bouleverse la Mostra de Venise
Ce mardi après-midi, la cinéaste polonaise Agnieszka Holland a ému le Lido avec “Green Border”, un film dur, nécessaire, qui dénonce le calvaire des migrants qui meurent à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, rejetés par les deux pays.
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- Publié le 05-09-2023 à 18h50
- Mis à jour le 05-09-2023 à 19h30
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C’est une femme en colère qui a défilé, ce mardi après-midi sur le tapis rouge du 80e Festival du film de Venise, pour présenter en Compétition son vingtième long métrage, Green Border. À 74 ans, Agnieszka Holland signe un film nécessaire, qui dénonce la politique d’asile de son pays, la Pologne, mais aussi plus largement de l’Union européenne.
Ancienne assistante d’Andrzej Wajda, Agnieszka Holland est un grand nom du cinéma européen, depuis Europa Europa en 1992. Elle a également beaucoup tourné aux États-Unis, sur des séries comme Treme ou House of Cards. Tandis que fin 2020, la réalisatrice était élue à la tête de l’Académie du cinéma européen (qui décerne chaque année les European Film Awards).
La forêt de la honte
Comme dans l’intrigant Tableau de chasse en 2017, la cinéaste polonaise situe son film dans une forêt polonaise, mais qui n’a, ici, rien d’enchanteur… Vue du ciel dans le très beau plan d’ouverture, la forêt est majestueuse. Mais dès que l’on y pénètre, on y découvre un enfer. Marécageuse, dangereuse, cette forêt marque la frontière entre la Pologne et la Biélorussie.
On est en 2021 et l’on va suivre le parcours d’une famille syrienne, qui atterrit à Minsk : un couple, leurs trois enfants, dont un nourrisson, et le grand-père. Un passeur les emmène à la frontière polonaise. Après un dernier bakchich, on les fait passer sous des barbelés. Quelques centaines de mètres plus loin, en vérifiant leur position sur leur smartphone, les migrants se réjouissent d’être enfin arrivés en Pologne, dans l’Union européenne, où ils souhaitent introduire une demande d’asile. Sauf que leur rêve va se transformer en cauchemar. Recueillis par des gardes-frontières polonais, ils sont reconduits sans ménagement, et en toute illégalité, en Biélorussie. Des deux côtés de la frontière, les deux pays jouent en effet un jeu de ping-pong macabre avec les migrants. Et aujourd’hui encore, on meurt le long de cette “frontière verte”…
Tourné en noir et blanc, baignant dans une partition sombre du Belge Frédéric Vercheval (le compositeur attitré d’Oliver Masset-Depasse), Green Border nous plonge, durant 2h30, dans un univers où toute humanité semble avoir disparu, face à la cruauté des gardes-frontières, polonais comme biélorusses, qui traitent ces migrants moins bien que des animaux – animaux qu’Holland filme également dans la forêt, pour souligner leur liberté.

Un film glaçant
Dans son film, la cinéaste dénonce violemment le discours xénophobe du gouvernement polonais, dont la propagande présente ces hommes et ses femmes totalement démunis, souhaitant seulement pouvoir mettre un terme à leur calvaire, comme des “munitions vivantes envoyées par Vladimir Poutine et Alexandre Loukachenko” pour attaquer le pays.
Glaçant, implacable, Green Border décrit un monde où tout le monde ou presque est victime de cette politique d’asile, même ses exécutants eux-mêmes, à travers un personnage de jeune garde-frontière vivant de plus en plus mal les horreurs qu’on lui demande d’exécuter. Seule lumière dans ce sombre tableau, le travail des activistes qui viennent activement en aide, parfois illégalement, aux migrants.
Si elle creuse quelques dilemmes moraux, Agnieszka Holland signe un film volontairement manichéen. Dans de telles situations, où la vie d’êtres humains est en jeu, il y a en effet des bons et des salauds. Et chacun doit choisir son camp… D’autant que l’humanité peut parfois avoir deux visages, car se joue également ici la question du racisme envers ces femmes et ces hommes venus de pays lointains, souvent musulmans. En épilogue, Holland rappelle en effet qu’en 2022, à une autre frontière, avec l’Ukraine cette fois, la Pologne a accueilli deux millions de réfugiés au début de la guerre russo-ukrainienne.

Green Border/Zielona granica Drame De Agnieszka Holland Scénario Agnieszka Holland, Gabriela Lazarkiewicz-Sieczko et Maciej Pisuk Photographie Tomasz Naumiuk Musique Frédéric Vercheval Montage Pavel Hrdlička Avec Jalal Altawil, Maja Ostaszewska, Tomasz Włosok, Behi Djanati Atai, Mohamad Al Rashi, Dalia Naous… Durée 2h32