“Lubo” : Franz Rogowski mène la vie d’un autre à la Mostra de Venise
Ce jeudi soir, l’Italien Giorgio Diritti a livré à la Compétition vénitienne un grand drame romanesque sur une page sombre de l’histoire suisse.
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- Publié le 07-09-2023 à 19h00
- Mis à jour le 08-09-2023 à 13h35
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Jeudi soir, Girgio Diritti était le dernier Italien à faire son entrée en Compétition de la 80e Mostra de Venise avec Lubo, un drame historique qui met en lumière une page sombre et méconnue de l’histoire suisse.
S’inspirant du roman de Mario Cavatore Il seminatore, le cinéaste italien nous raconte, sur deux décennies, l’histoire de Lubo Moser (Franz Rogowski). Membre de la communauté yéniche, il vit en nomade avec sa famille, passant de village en village avec leurs roulottes pour divertir les gens. Ils mènent une vie simple, mais parfaitement heureuse.
Un jour de 1939, dans le canton des Grisons, Lubo est arrêté par la police, qui lui rappelle son devoir de citoyen helvète. Alors que la guerre est aux portes du pays, le voilà mobilisé dans l’armée, en charge de la surveillance de la frontière. Quelque temps plus tard, son jeune cousin lui apprend que sa femme est morte et que les gendarmes se sont emparés de leurs trois enfants, sous prétexte qu’ils ne peuvent pas vivre dans la rue. Lubo ne pense alors qu’à les retrouver. Pour ce faire, il décide de déserter et de prendre l’identité d’un Juif autrichien faisant du trafic de bijoux, qu’il assassine sauvagement… Désormais riche, roulant au volant d’une luxueuse Mercedes, celui qui se fait désormais appeler Bruno Reiter s’intègre dans la bonne société suisse pour tenter de découvrir où ont été placés ses enfants…

Un outsider en quête de justice
En 2020, Girogio Diritti présentait en Compétition à Berlin Volevo nascondermi, une très belle évocation de la carrière du peintre naïf italien Antonio Ligabue avec Elio Germano (malheureusement restée inédite chez nous). Trois ans plus tard, le cinéaste italien s’intéresse à nouveau à un outsider en la personne de Lubo Moser, sorte de fantôme en quête de justice.
Si Diritti s’intéresse évidemment au motif, très cinématographique, d’un homme se faisant passer un autre, pour l’un de ceux dont il cherche à se venger, Lubo est aussi l’occasion de rouvrir une page sombre de l’Histoire suisse. Comme en Australie avec les enfants aborigènes, comme les pensionnats irlandais, comme dans les dictatures espagnoles ou latino-américaines, il est question ici du vol pur et simple d’enfants, avec une visée clairement raciste. Celle de faire disparaître, en recourant également à la stérilisation au besoin, une communauté méprisée. Avec un parallèle évident, et au cœur même du dilemme moral du personnage, entre la destinée des Tziganes et des juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

Une approche romanesque
Comme dans ses films précédents, Diritti adopte une approche très romanesque, pour nous replonger dans la Suisse de l’époque, grâce à une reconstitution soignée, de bons comédiens – avec un Franz Rogowski une fois de plus épatant dans le rôle de cet homme double et trouble – et grâce à une mise en scène classique et efficace. Un peu long (trois heures), Lubo a néanmoins touché le public de la Mostra, en rouvrant de vieilles blessures méconnues.
Lubo Drame De Giorgio Diritti Scénario Giorgio Diritti et Fredo Valla (d’après le roman Il seminatore de Mario Cavatore) Photographie Benjamin Maier Musique Marco Biscarini Montage Paolo Cottignola et Giorgio Diritti Avec Franz Rogowski, Christophe Sermet, Joel Basman, Valentina Bellè, Oliver Ewy… Durée 3h01