"La Ligne" : Objets fracassés, disques brisés... Stéphanie Blanchoud, une femme en colère
L’actrice belge affronte Valeria Bruni Tedeschi dans le nouveau film d’Ursula Meier.
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Publié le 31-01-2023 à 14h59
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La Ligne est franchie dès sa première scène, choc : au ralenti, comme en suspension, des objets se fracassent sur un mur, des disques se brisent, des partitions musicales volent… Une jeune femme (Stéphanie Blanchoud) hurle sa colère, deux hommes tentent de la contenir. En vain. Elle se précipite sur une autre (Valeria Bruni Tedeschi), la rudoie, une gifle se perd qui précipite la tête de la seconde sur le clavier d’un piano. L’assaillante est projetée hors de la maison.
Mais Christina, la mère, dépose plainte contre Margareth, sa fille. Un juge impose à celle-ci une mesure d’éloignement : elle ne peut pas s’approcher à moins de cent mètres de sa mère. Sans ressource, Margareth demande le gîte à son ex (Benjamin Biolay), qui accepte de mauvaise grâce. Entre ces deux-là, on comprend que la ligne a été franchie, aussi. C’est que Margareth, sous son doux visage juvénile, cache un tempérament colérique et violent.
La musique comme trait d’union
De l’origine de l’altercation, on ne saura rien, à part que Christina a eu un mot malheureux à l’égard de la plus jeune de ses filles, Marion (Elli Spagnolo). Bien qu’insignifiant, cela a réveillé quelque chose chez Margareth. Christina est violente à sa manière : les mots peuvent être aussi blessants que les gestes.
Tiraillée entre sa mère et sa sœur, Marion peint au sol une ligne bleue, démarquant les cent mètres que ne peut franchir Margareth. Cette frontière devient le lieu de rencontre et de dialogue entre les deux sœurs, le point où une transmission se fait, notamment à travers la musique, train d’union entre les sœurs et leur mère.
Christina est une pianiste qui a renoncé à une supposée grande carrière à la naissance de Margareth. Cette dernière a gâché par son tempérament un début de carrière de chanteuse-compositrice. Marion apprend le chant avec l’aide de sa sœur.

Frontières
Chez Ursula Meier, née et élevée entre la Suisse et la France, formée en Belgique, il est souvent question de frontière, de territoire délimité (Home, L’enfant d’en haut). La Ligne poursuit cette exploration à travers un conflit familial féminin – il y a aussi une troisième sœur, Louise (India Hair), l’unique médiatrice du quatuor.
Ursula Meier a coécrit cette histoire avec son actrice principale, Stéphanie Blanchoud. Là où le cinéma abonde en exposition, parfois complaisante et gratuite, de la violence masculine, elles traitent le sujet sous un angle exclusivement féminin. Première rupture avec les stéréotypes : le climax de violence physique ouvre le film. Le récit la déconstruit ensuite en explorant la dynamique familiale perverse qui l’a nourrie.
La Ligne est tout sauf linéaire. Comme celle tracée au sol par Marion, elle est circulaire. Elle parcourt les obstacles d’un terrain accidenté, à l’image de cette famille fracturée de longue date, minée par des années de non-dits et d’incompréhensions.
Une ritournelle plaisante
Les montagnes, chères à la réalisatrice, délimitent aussi un récit circonscrit à une localité que Margareth s’échine à ne pas quitter, tentant par tous les moyens de communiquer avec sa mère. Mais celle-ci veut d’autant moins l’écouter que son geste a eu une conséquence sur sa capacité auditive.
Sous le chaos apparent, Meier compose une ritournelle plaisante – avec l’aide mélomane de Benjamin Biolay et, bien sûr, de Stéphanie Blanchoud qui exploite toutes les cordes de son arc artistique. Elle livre une performance juste ce qu’il faut de borderline face à une Valeria Bruni Tedeschi étonnamment délicieuse en mère égoïste et narcissique.
La Ligne Drame familial D’Ursula Meier. Scénario Ursula Meier et Stéphanie Blanchoud. Avec Stéphanie Blanchoud, Elli Spagnolo, Valeria Bruni Tedeschi, India Hair, Benjamin Biolay,… 1h41
