Stéphanie Blanchoud : "J'étais assez tétanisée par la scène d'ouverture du film"
On retrouve la comédienne, la scénariste et la dramaturge sur scène, au grand et au petit écran. Avec, même, la guitare à la main.
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Publié le 31-01-2023 à 15h15 - Mis à jour le 01-02-2023 à 08h58
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Stéphanie Blanchoud demeure pour le grand public le visage de Chloé, dans la série Ennemi Public. On la retrouvera cette année dans la troisième saison, dont le tournage a eu lieu l’été dernier. L’actrice, également bien connue des amateurs de théâtre, va remonter sur les planches mi-février au Rideau de Bruxelles, avec Laurent Capelluto pour Le temps qu’il faut à un bébé girafe pour se tenir debout…, un spectacle qu’elle a écrit et conçu avec le comédien et Diane Fourdrignier.
Mais le coup d’envoi de la saison Blanchoud 2023 est la sortie de La Ligne, troisième long métrage de la franco-suisse Ursula Meier. Stéphanie Blanchoud y déploie tous ses talents : elle a coécrit ce drame familial avec la réalisatrice et son personnage de jeune femme, sujette à une mesure d’éloignement de sa mère (Valeria Bruni-Tedeschi), y est, comme elle aussi, chanteuse. De quoi lui offrir l’opportunité d’un duo à l’écran avec Benjamin Biolay. Il y a tout juste un an, nous débriefions ce film et son tournage avec l'intéressée, lors du Festival de Berlin, où La Ligne était sélectionné en Compétition.
Vous avez coécrit le scénario avec la réalisatrice Ursula Meier. Comment est née cette collaboration ?
Nous nous étions croisées sur un projet, via des amis communs. Elle a vu il y a quelques années mon spectacle de théâtre Je suis un poids plume. J’avais tourné avec elle dans Journal de ma tête. Et puis, au fil de discussions, on a eu envie d’écrire autour d’un personnage féminin violent. Mais cela a pris du temps. Il ne fallait pas se planter. Il fallait vraiment trouver le bon curseur. C’est quoi un personnage violent féminin à 35 ans ? Nous nous sommes documentées sur le sujet. Au départ, elle se battait beaucoup plus. On était sur le mode de la chronique. Et puis, peu à peu, on a ouvert sur la famille, la relation à la mère. La violence est très visible au premier plan chez Margaret. Mais en fait, elle est tout aussi visible différemment chez Christina, la mère. Et, d’un coup, on voit que cette mère a créé, avec toutes ses névroses aussi, des névroses chez ses enfants. Au final, elle ne se bat pas tant que ça, Margaret, dans le film.
La scène la plus violente est celle de l’ouverture…
On l’a tournée le premier jour. J’ai dit à Ursula, en découvrant le plan de travail : “Quoi ? On va tourner ça ?" J’étais assez tétanisée. On a tout chorégraphié avec quelqu’un qui était là pour les “combats”. Je savais que ce serait au ralenti. Ursula avait tout dans sa tête, précisément. C’était merveilleux parce que Valeria était tout à fait hors champ au début. Mais il fallait que je sois chargée, alors elle me balançait des choses horribles. C’était pour me nourrir. Et puis ça nous a tous très fort détendus, ce premier jour de tournage. Parce qu’après, on était dedans. J’ai ressenti le bonheur du cinéma par rapport à la série, que je connais mieux, c’est qu’on a le temps.
Dans quelle mesure est-ce différent ?
On tournait deux scènes par jour. Sur une série, ça peut monter à douze. On a le temps de chercher. Et puis, Ursula a pris des acteurs cinq étoiles. Être tout à coup en face de Valeria, c’est vraiment c’est très porteur en fait. Ursula est très bienveillante vis-à-vis des acteurs. Le maquillage a aidé aussi. Cela changeait le regard des autres.
L’envie de mettre votre personnalité de chanteuse était-elle présente dès le départ ?
Pas du tout. Moi, au début, j’ai dit “non, non, non, non !”. C’est Ursula qui m’a convaincue. Parce qu’il fallait apporter quelque chose de positif au personnage. Elle ne pouvait pas être que dans la mélancolie et dans la violence. Il faut quelque chose qui vienne la sauver. Et puis est venue l’idée de la surdité de la mère et donc de la mort, de la transmission. Et c’était assez évident tout à coup, si elle avait transmis la musique à quelqu’un, c’était à Margaret. Et comme je chante aussi, du coup, voilà. C’est un contrepoint. Quand elle chante, il y a quelque chose de beaucoup plus doux qui se met en place. Il y a quelque chose qui s’ouvre avec les sœurs. Dans le parcours du film, cela la fait évoluer.

La relation passée avec le personnage de Benjamin Biolay n’est pas détaillée, mais on devine qu’elle a été violente aussi.
Il y avait plus de scènes effectivement où on comprenait qu’en fait, elle a mis le souk dans cette relation et qu’il l’a foutue dehors. Elle est vraiment dans un creux. La relation n’est pas si lointaine et elle a dû revenir chez sa mère, avec toutes ses névroses. La présence de Benjamin, dans le film, c’est vraiment quelque chose. C’est aussi quelqu’un d’une grande de bienveillance.
Pourquoi cette envie d’écrire sur un personnage féminin violent ?
Je ne crois pas qu’il y avait une raison particulière à cela. Il y a des personnages masculins tellement forts, des antihéros, qu’on a vu dans des tas de films. On se disait: ce serait bien, tout d’un coup, si c’était une femme. Qu’est-ce que qu’est ce qui se passe ? Et d’ailleurs, au final elle ne se bat pas tant que ça. On a choisi de ne pas explorer cela, mais de revenir sur l’idée du territoire, qui est très présente dans les films d’Ursula. C’est un peu comme un mélange de ses films Home (2008) et L’Enfant d’en haut (2012).
Avez-vous fait des recherches sur ce type de violence ?
Oui, nous avons rencontré la directrice d’une association, à Genève, qui est un lieu d’accueil pour femmes violentes. C’est assez tabou. On n’en parle pas tellement. C’est un lieu où les femmes peuvent venir raconter ce qui leur arrive. Il y a des médiateurs et des assistants sociaux, et des psychologues qui refont se rencontrer mère et fille ou mère et fils. Margareth est un peu borderline, toujours à vif. On voulait se documenter pour une représentation la plus juste possible.
Écrire des scénarios, cela vous tente afin de vous créer des rôles ?
Complètement. Mais dans ce cas-ci, cela tient à la rencontre avec Ursula. J’ai beaucoup appris. J’arrivais avec mon expérience d’auteur de théâtre mais cela n’a rien à voir. Parce qu’on parle en termes d’image, tout de suite. Le plaisir du dialogue arrive beaucoup plus tard. C’était bien aussi qu’à un moment cela ne m’appartienne plus. Pour que je puisse me le réapproprier.
- La Ligne d'Ursula Meier, sortie en salles ce 1er février.