"Cinéma Pameer" : quelques moments d’évasion dans un monde de brutes

Suivant le quotidien de l’équipe du cinéma Pameer, ce documentaire souligne la fragile mais nécessaire place de la culture dans un pays en guerre.

La fréquentation du dernier cinéma de Kaboul témoigne de la soif d'évasion de la population.
La fréquentation du dernier cinéma de Kaboul témoigne de la soif d'évasion de la population.

Saïd Chaleh n’avoue pas son vrai métier aux inconnus car il sait que dans son pays les gens ont l’esprit étroit et que le fondamentalisme religieux y fait des ravages.

Dans certains pays, le mépris pour la culture peut même aller jusqu’à mettre votre vie en danger. Mieux vaut donc être prudent. Alors même si tous les films ont été soigneusement visés par le Ministère et expurgés de scènes (de danse, notamment) jugées trop lascives et si les affiches ont été corrigées à grands coups de marqueurs afin de rhabiller les corps trop dévêtus, la vigilance de l’équipe du Cinéma Pameer reste maximale.

Du portier harangueur et vendeur de friandises au chargé de l’ordre public en passant par les responsables de la sécurité ou du transport de copies, la caméra dévoile les rouages et les chevilles ouvrières de ce cinéma, le dernier de Kaboul, qui doit composer avec la difficulté de faire venir des nouveautés du Pakistan voisin, avec les incivilités de certains spectateurs, les risques d’attentats et les exigences du ministère de la Culture afghan.

À travers le quotidien de ses employés et de ses clients les plus fidèles, c’est toute la violence de la société afghane qui se dit avec les rescapés, les estropiés, les orphelins et tous les gamins qui fument ou se droguent. Grâce au prix modique des séances, certains viennent voir plusieurs films chaque jour, ces séances apparaissant comme l’unique échappatoire à une vie si lourde et si cruelle.

Saïd en est persuadé : ce cinéma a un rôle social crucial à jouer, d'autant plus qu’après 40 ans de guerre, l’Afghanistan a accouché de plusieurs générations de personnes illettrées et analphabètes. Autant de jeunes et de moins jeunes pour lesquels le cinéma peut servir à la fois d’école et de livre pour apprendre la vie. Saïd, le vieux projectionniste, et un spectateur assidu confient ainsi la place que le cinéma tient dans leur quotidien.

On aurait aimé entendre l’avis du réalisateur afghan qui a consacré l’un de ses films à la terrible affaire Farkhonda, du nom de cette femme lynchée par la foule pour avoir soi-disant brûlé le Coran. Son point de vue sur le rôle du cinéma, dans un pays ravagé par la guerre, aurait certainement été éclairant. Il n’empêche, le film de Martin von Krogh, qui travailla longtemps comme photographe et reporter à travers le monde, rappelle que la bataille pour la culture doit se mener sur tous les fronts.

"Cinéma Pameer" - Documentaire de Martin von Krogh - Avec Mohammad Ewaz, Abdul Hamid, Nazifa Hashimi, Mohammad Naqib - Durée 1h19.

étoiles Arts Libre cinéma
étoiles Arts Libre cinéma ©LLB
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