”Inside” : Willem Dafoe est excellent en "Robinson" prisonnier de la Tate Modern
L'acteur est toujours aussi à l'aise dans le rôle d'un voleur d’art piégé dans un loft luxueux.
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Publié le 28-03-2023 à 23h23
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Conseil (de Polichinelle) aux primo-réalisateurs : si vous avez un producteur avec un bon carnet d’adresses, optez pour un acteur connu, plongez-le dans une situation singulière et un décor unique, soignez votre image et/ou adoptez un dispositif radical. Banco assuré si l’intéressé est Willem Dafoe, aussi à l’aise en Bouffon Vert dans un film de super-héros (il a repris ce rôle iconique dans le récent Spider-Man : No Way Home) qu’en second rôle inquiétant de films indé (deux performances récentes dans The Lighthouse ou The Northman).
Démonstration avec Inside de Vasilis Katsoupis. Nemo est un cambrioleur de haute voltige. Il doit s’introduire dans le luxueux loft d’un ploutocrate collectionneur d’art contemporain. Commande de son client : rafler trois originaux d’Egon Schiele. Tout roule sur du velours, sauf que la troisième pièce, un autoportrait de l’artiste, est introuvable. Une fausse manœuvre, et voilà que l’alarme se déclenche. Le système cinq étoiles piège Nemo dans cette prison dorée dont la domotique se dérègle : chauffage à fond, eau coupée, le frigo (vide) qui joue la Macarena en boucle...
Variante de Robinson Crusoë en prisonnier de la Tate Modern, Inside confronte son personnage à une série de défis de survie avec en guise de fil conducteur la stratégie qu’il met en place pour tenter de s’évader. Bonus réflexif : à quoi sert l’art quand on doit survivre ? Le vide existentiel auquel est confronté le personnage pourra, même, renvoyer au vécu universel récent du confinement – petit marqueur de ce film conçu avant mais tourné pendant la pandémie.
Antichambre de l’enfer
L'intérêt de ce type de film au dispositif simple est qu'il laisse un espace de projection au spectateur. Quelques pistes en vrac... Quel sens ont des œuvres privées du regard du monde ? Quel est celui de la vie de cet homme dont nul ne semble se soucier de la disparition ? Il est Nemo – en latin, “Personne” (clin d’œil au Monde de Nemo de Pixar, où Dafoe prêtait sa voix à un poisson voulant s’évader d’un aquarium ?).
L’installation que Nemo érige dans l'espoir de s’échapper est une oeuvre en soi, symbole de la vaine accumulation des artefacts du mystérieux propriétaire. Les sanitaires sont inutilisables : ses excréments forment une variante ironique de Cloaca ("l'art, c'est de la merde"...).
Le loft est un bunker, avec vue somptueuse sur Manhattan. Mais ce mausolée est stérile et sans âme malgré les oeuvres accumulées. Une scène suggère la dimension mortifère de la collection d’œuvres d’art (créditées au générique final, comme des acteurs, avant l'équipe technique).
Il ressemble à une antichambre de l’enfer – une scène à dimension métaphorique y emmène Nemo. Huis clos de Sartre n’est pas loin… "L’enfer, c’est les autres". Mais, aussi, leur absence... Nemo y substitue une forme de relation sociale en observant les employés de l’immeuble sur les écrans de sécurité. La métaphore, là aussi, est une perche tendue.
Au-delà des interprétations que l'on peut y projeter, le joyau d'Inside, le véritable chef-d’œuvre que recèle le film est l’interprétation de Willem Dafoe, pierre angulaire de l'édifice. Son corps, sa présence, son incarnation font sens et donne chair. Le relief de son “seul en scène” cinématographique nous captive d’un bout à l’autre.
Inside Home Alone De Vasilis Katsoupis Scénario : Ben Hopkins. Avec : Willem Dafoe… 1h45
