”Le Paradis” : derrière les murs d’une IPPJ, une jeunesse éprise de liberté pour le début prometteur de Zeno Graton

Un film contemporain à l’ombre de Jean Genet et Hervé Bazin. Nouveaux centres fermés, vieux constats…

Poètes et voyoux : William (Julien De Saint Jean) et Joe (Khalil Gharbia) dans "Le Paradis" de Zeno Graton.
Poètes et voyoux : William (Julien De Saint Jean) et Joe (Khalil Gharbia) dans "Le Paradis" de Zeno Graton. ©O'Brother Distribution

Placé en IPPJ, Joe attend sa libération mais ne peut s’empêcher de fuguer. L’arrivée d’un nouveau mineur, William, lui offre de nouvelles perspectives. Au début du film, en voix off, Joe évoque un souvenir de son enfance. Lorsqu’il voyait des poissons pris dans l’eau d’un lac gelé, il pensait qu’ils hibernaient, explique-t-il. “Maintenant, je sais : si un poisson est pris dans la glace, il meurt.”

Ce premier long métrage de Zeno Graton file la métaphore : Joe et ses compagnons sont pris dans la glace d’un système judiciaire. William apparaît comme une version moderne de Jean Genet, référence affirmée du réalisateur. Les jeunes du Paradis sont tout aussi “poète et voyou” que l’écrivain, même si leur mode d’expression a changé, question d’époque : tatouage pour l’un, slam pour l’autre…

Selon Genet, trois comportements caractérisent l’enfermement carcéral : le vol, la trahison et l’homosexualité. Joe vole d’abord William. Une trahison suivra. Quant à l’homosexualité, question d’époque, aussi, elle s’immisce paisiblement dans le récit, sans tambour ni trompette.

La quête de liberté est au cœur du Paradis. Une recherche vécue comme un paradoxe. Il faut se plier aux règles du centre avant de retrouver la liberté en société – laquelle impose aussi ses lois. Les unes comme les autres peuvent paraître arbitraires et susciter la colère voire la révolte. Joe butte “la tête contre les murs” (sous ce titre, Hervé Bazin a signé un poignant récit sur l’enfermement psychiatrique, adapté au cinéma par Georges Franju).

Zeno Graton capte tous ces aspects au gré de scènes qui égrènent les activités que l’on dispense au sein d’une IPPJ : jardinage, cuisine, travail en atelier jusqu’à une initiation à la photographie avec fabrication de chambres noires. Individuellement, les scènes sont réussies, grâce à l’interaction naturelle des acteurs. Mais leur enchaînement relève de la structure un brin convenue de drames qui dépeignent une réalité sociale sous une forme romanesque.

L’interprétation emporte le film vers de beaux moments de grâce. Si Khalil Gharbia (révélé chez François Ozon dans Peter Von Kant) se débat un peu avec l’intériorité (imposée par le rôle) de Joe, Julien De Saint Jean compose un William magnétique. En éducatrice garde-chiourme, ferme mais bienveillante, Eye Haïdara confirme la diversité de son registre qui ne demande qu’à être encore mieux exploité. Parmi les seconds rôles, N’Landu Lubansu (Yanis) impose aussi sa présence.

On pressent derrière les images et la structure du Paradis un horizon cinématographique au potentiel plus large, plus ouvert. Zeno Graton cherche encore sa liberté. La glace est fendue, reste à la briser pour briller.

Le Paradis Drame De Zeno Graton. Avec Khalil Gharbia, Julien De Saint Jean, Eye Haïdara,… 1h28

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étoiles Arts Libre cinéma ©LLB
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