”Plan 75” : L’euthanasie programmée à 75 ans, une fiction japonaise très réaliste
À partir d’une idée digne d’un roman d’anticipation, Chie Hayakawa expose des phénomènes de société déjà à l’œuvre au Japon.
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Publié le 24-05-2023 à 14h00
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Il y a tout juste quarante ans, La Ballade de Narayama de Shōhei Imamura obtenait une Palme d’or à Cannes. Le film contait comment, jadis, afin d’assurer la survie de la communauté, les anciens de plus de 70 ans, se retiraient pour mourir au sommet du mont Narayama.
Cette pratique mythique, appelée ubasute, est ravivée sous une forme fictive dans Plan 75 (qui a, comme de juste, reçu une mention spéciale du jury Caméra d’or au Festival de Cannes en 2022). La réalisatrice Chie Hayakawa imagine que, dans un futur proche, le gouvernement japonais met en place ce Plan 75 pour réduire les coûts que fait peser sur l'économie le vieillissement de la population. Le programme offre aux personnes âgées de plus de 75 ans un accompagnement financier et logistique en guise d'incitant à une euthanasie assistée.
Passé une scène d’introduction, pudique, qui suggère l'électrochoc aux origines du plan, Chie Hayakawa adopte un parti pris réaliste pour dépeindre la froide logistique technocratique – très nippone dans son application sans heurts – et son impact sur une candidate potentielle (Chieko Baishō), sur un fonctionnaire chargé de son application (Hayato Isomura ) et sur une aide-soignante philippine (Stefanie Arianne) confrontée à sa pratique. Se greffent à ce trio un vieil homme esseulé qui choisit de postuler le jour de son 75e anniversaire et la réceptionniste pleine d’empathie du centre d’écoute.
Plan 75 tord son point de départ digne d’un roman d’anticipation pour exposer des réalités sociales déjà à l’œuvre au Japon (et ailleurs), la précarité économique des seniors (on les voit effectivement, comme dans le film, accepter des métiers de labeur), leur mort dans la solitude, les familles aliénées ou le célibat endurci (dû aux journées de travail à rallonge), ferment de la natalité en berne. La seule enfant mentionnée est la fille de l’aide-soignante. Elle est le visage (bien réel, aussi) d’une immigration économique cachée et confinée aux tâches indignes ou taboues.
Sans forcer le trait, Chie Hayakawa s’indigne des dérives d’une société productiviste et technocratique quand les seuls chiffres y font oublier toute humanité. À bien y réfléchir, nous parle-t-elle uniquement du Japon ?
Plan 75 Drame De et écrit par Chie Hayakawa. Avec Chieko Baisho, Hayato Isomura, Stefanie Arianne,… 1 h 52
