Dans "Luka", Jessica Woodworth interroge le pouvoir jusqu’à l’absurde
Après, King of the Belgians, le nouveau film de Jessica Woodworth s'inspire du roman "Le Désert des Tartares" de Dino Buzzati.
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- Publié le 13-09-2023 à 16h28
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Luka (Jonas Smulders) part s’engager pour lutter contre le Nord. “C’était inéluctable”, écrit-il à sa mère. Il rêve de devenir sniper. Lorsqu’il arrive à la base d’entraînement et de recrutement, il est jaugé et inspecté sous tous les angles. Fort Kairos est une forteresse fantasmagorique aux lignes fuyantes et épurées et au fonctionnement absurde. Engagé comme simple recrue, Luka est soumis aux corvées et aux entraînements quotidiens. Les mots d’ordre sont “obéissance, endurance et sacrifice”. Dans cet univers spartiate, les hommes mangent, boivent et dorment peu.
C’est l’histoire d’un ennemi qu’on ne voit jamais mais qui oblige à une discipline et à une vigilance extrêmes. En cas de manquement ou de faiblesse, les corvées pleuvent.
La guerre et le pouvoir sans fin
Jessica Woodworth, créatrice d’origine américaine, est la réalisatrice de King of the Belgians et The Barefoot Emperor, dans lesquels elle sondait déjà les ressorts du pouvoir avec son complice habituel Peter Brosens. Cette fois, elle est seule à la barre de ce récit où on ne retrouve aucune trace de son humour habituel mais qui, comme ses précédents, flirte avec la folie.
Inspiré du roman Le désert des Tartares (1940) de l'auteur italien Dino Buzzati, - déjà adapté sur grand écran par Jacques Perrin - ce long métrage déroutant, filmé en noir et blanc, s’inscrit aux frontières de l’expérience scénique. Comme si Jessica Woodworth revisitait En attendant Godot. Avec une inscription dans l’espace qui crée des plans à la géométrie et à la composition étonnantes, emplis de lignes de fuite et d’univers symétriques ou parallèles. Tourné en partie en Sicile, sur les pentes de l’Etna, le film bénéficie d’un cadre crépusculaire.
Entre images kaléidoscopiques et scènes de combats simulés et chorégraphiés, ce film offre presque une expérience sensorielle. Il nous place face à un régime autocratique de vieillards, qui ne relâchent jamais leur vigilance et sont prompts à sévir, étouffant peu à peu les rêves d’une jeunesse aux abois.
Luka Dogmes et Guerre Réalisation et Scénario Jessica Woodworth Avec Jonas Smulders, Géraldine Chaplin, Jan Bijvoet, Sam Louwyck Durée 1h34