Succès islandais, primé à Séries Mania... "Blackport" (Arte) ou comment devenir riche grâce aux quotas de pêche

Cette comédie noire détonante retrace l’irruption du libéralisme dans une petite communauté de pêcheurs dans les années 80, lorsque les droits de pêche ont été privatisés.

Entre comédie sociale et satire politique, la série islandaise "Blackport" navigue en haute mer.
Entre comédie sociale et satire politique, la série islandaise "Blackport" navigue en haute mer.

Aussi rocambolesque puisse-t-il paraître, le récit conté dans la série Blackport est une histoire vraie. Bien sûr, la trajectoire retracée par Nina Dogg Filippusdottir, Gisli Orn Gardarsson et Bjorn Hlynur Haraldsson, le trio de cofondateurs de la troupe de théâtre Vesturport, prend quelques libertés avec le réel. Mais leurs personnages – Harpa, la secrétaire devenue businesswoman ; Jon, le maire devenu ministre et Grimur, le pêcheur transformé en patron du chalutier le plus rentable du pays - ont réellement existé. Et les anecdotes qui émaillent la série sont bien transposées de ce qui est réellement arrivé, dans les années 80, dans ce petit village de l’Ouest de l’Islande lorsque les droits de pêche ont été privatisés.

Blackport se déroule sur neuf ans, de 1982 à 1991. La série raconte comment une dérive est née, à la faveur des connexions entre le milieu de la pêche et le monde politique au sujet des quotas de pêche nouvellement instaurés. Le but premier était d’éviter la surpêche mais le système a été biaisé dès le départ, fabriqué par ceux-là mêmes qui pouvaient en profiter. Si Jon (Gisli Orn Gardarsson), le maire du village, se bat, au départ, pour la survie de son usine et de sa communauté, rapidement, il va comprendre à quel point le système de quota lui permet de s’enrichir. Or ce personnage de maire, qui gravit peu à peu les échelons au sein du gouvernement, a réellement existé.

Tout comme celui d’Harpa, surnommée "la sorcière de l’Ouest". Blackport est aussi l’histoire d’une ambition démesurée conjuguée au féminin avec un personnage construit sur base du parcours de deux entrepreneuses ayant réussi à se créer une place dans cet univers typiquement masculin.

La nostalgie de cette époque révolue a joué en faveur de l’attractivité de la série et lui a permis d’exhumer une réalité que la majorité des Islandais ne connaissaient qu’en surface. "Même les jeunes générations s'y sont intéressées" soulignaient les créateurs de Blackport lors de leur passage à Séries Mania.

Sous l'influence des frères Coen et d’Aki Kaurismäki

Coproduite par Arte et la télévision publique islandaise Rúv, cette série en 8 épisodes a connu un immense succès local qui a permis aux Islandais de regarder leur histoire bien en face. En effet, même si l’Islande a réussi à se diversifier, notamment via le tourisme, la pêche demeure l’une des principales ressources de ce petit pays de moins de 400 000 habitants.

L’histoire de cette bande d’amis partagés entre leurs bonnes intentions et leur soif de richesse, dans un petit port de l'Ouest, a mobilisé les foules. Et pourrait connaître un égal succès en dehors du pays. Avec cette petite communauté qui cultive son sens de la fête à grands coups d’alcool, de drogue, de chants et de danse pour contrebalancer un quotidien franchement rude, les auteurs ont imaginé une chronique mariant les féroces influences des frères Coen, de Ken Loach et d’Aki Kaurismäki avec une énergie et une soif de vie détonante.

L’Islande était connue jusqu’ici pour ses séries aux trames sérieuses, voire sombres. On se souvient de Trapped qui suivait l’enquête sur une série de meurtres inquiétants en lien avec l'environnement et de Trom née chez ses voisines, les îles Féroé, qui se penchait sur l’activisme écologique. Avec cette comédie mariant vaudeville, satire politique et comédie sociale, le pays élargit la palette de sa créativité. Ses personnages bigger than life et son ton irrévérencieux ont séduit le jury de Séries Mania, présidé par le scénariste Hagai Levi, qui lui a accordé le Grand Prix 2021.

★★ Blackport Satire sociale Création Nina Dogg Filippusdottir, Gisli Orn Gardarsson et Bjorn Hlynur Haraldsson Réalisation Gisli Gardarsson, Bjorn Haraldsson et Maria Reyndal Avec Nina Filippusdottir, Gisli Gardarsson et Bjorn Haraldsson Sur Arte.tv Le 16/03 (8 x 52’)

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