Le jour où Elvis a rencontré Nixon pour devenir un “espion”
Netflix diffuse une série d’animation de Priscilla Presley. L'ex-épouse du King imagine Elvis en agent secret. Mais l’a-t-il réellement été ?
Publié le 20-03-2023 à 11h36
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”Es-tu bien assis ?”. Au moment où Dwight Chapin, l'homme chargé du planning de Richard Nixon, pose cette question, au téléphone, à Egil “Bud” Krogh, ce collaborateur du président (futur “plombier” du Watergate) est bien posé sur son séant. Heureusement… Elvis Presley serait au même moment devant la Maison Blanche. L’interprète de Hound Dog, A Little Less Conversation et Blue Suede Shoes souhaiterait rencontrer imminemment le “boss” des States.
La nouvelle a des allures de canular, ce n’est pourtant pas une blague. “C’est vrai”, insiste Chapin avant de prouver ses dires. “Je suis en train de lire une lettre qu’il a rédigée sur un papier d’American Airlines.” Il est 8h45, le vendredi 21 décembre 1970 et Egil “Bud” Krogh se dit, alors, que la “journée va être longue”, comme il l’expliquera, un demi-siècle plus tard, lors d’une conférence à la Richard Nixon Foundation.
La veille, fatigué de se brouiller avec son père et son épouse, car Elvis avait acheté six Mercedes-Benz en cadeaux de noël, le rockeur s’est rué vers l’Ouest. Il s’est envolé d’abord depuis Memphis, seul vers Los Angeles, avant de partir pour Washington. Durant ce vol de nuit, le “King” a demandé du papier à une hôtesse, puis il a pris sa plus belle plume. Ce qui ne lui arrivait pas souvent, dixit Jerry Schilling, assis à ses côtés dans l’avion. “Je n’ai jamais vu Elvis écrire une lettre de ma vie”, assurait l’ex-manager de la star.

Dans ce message manuscrit de cinq pages, disponible en ligne sur le site des Archives nationales américaines, l’artiste de Memphis témoigne, d’abord, à Richard Nixon “son plus grand respect”, avant de lui proposer ses services. Elvis souhaiterait devenir une sorte d'“agent fédéral” pour aider “son pays”, face à diverses “menaces” qui font cahoter Nixon et l’establishment dans son ensemble : “la culture de la drogue, les hippies, les SDS (Students for a Democratic Society, une organisation étudiante, NdlR), les Black Panthers”. Presley lui propose de faire sa part de travail de réconciliation à travers ses communications “avec les personnes de tous âges”. Surtout les fumeurs de joints aux cheveux longs. Bingo, après un entretien préalable avec Egil Krogh, la rencontre est validée par le Chef de cabinet de la Maison Blanche de l’époque : H. R. Haldeman. “C’est un miracle d’arriver à 8h45 à la Maison Blanche, que la rencontre soit approuvée à 11h15, et qu’on lui demande de venir à 11h45”, assurait Egil Krogh, chargé d’apporter la bonne nouvelle en appelant la réception du Washington Hotel. Elvis y avait réservé trois chambres sous le nom de Jon Burrows, un pseudo.
"Elvis a apporté un pistolet"
Toujours très entouré, Elvis n’arrive pas seul à bord de sa limousine. Il est encadré de deux membres de la Memphis Mafia, du nom de la bande chargée de protéger le King : Sonny West, son garde du corps, et le déjà cité Jerry Schilling. Bip-Bip. Les trois hommes à peine arrivés dans le saint des saints du pouvoir américain, que le chef de la sécurité appelle Egil Krogh : “On a un petit problème, Elvis a apporté un pistolet”. En l’occurrence, un Colt.45 et sept balles en argent.

Un petit présent pour le Président qui ne va pas l’empêcher de fouler la moquette du Bureau ovale. Face à Nixon, le chanteur ne fait, par contre, pas le mariole. “Il n’était pas à son aise”, se remémorera Egil Krogh, rappelant qu’Elvis, malgré son aura, était à l’origine “un garçon pauvre de Tupelo dans le Mississippi”.
Interrogé, plus tard, à ce sujet, Nixon se souviendra, lui aussi, d’un “homme très timide”, timidité que sa “flamboyance dissimulait”. Ce qui n'empêche pas l'artiste de lui montrer des clichés de sa famille et sa collection de plaques de police. Les deux hommes ont également évoqué Las Vegas, les boutons de manchette et les Fab Four. “Les Beatles sont venus aux États-Unis. Ils ont gagné beaucoup d’argent et ils ont dit des choses antiaméricaines”, aurait balancé Elvis, cité par Krogh. Une prise de position confirmée par les fichiers du FBI : “Elvis pense que les Beatles ont jeté les bases d’un bon nombre des problèmes que nous rencontrons avec les jeunes par leur apparence sale et négligée et leur musique suggestive.” En 2021, Bob Harris, un producteur de la BBC, avait même assuré que Richard Nixon avait demandé au King d’espionner John Lennon.
Dit-il vrai ? Dur à dire... Nixon se serait, en tout cas, démené pour lui obtenir un badge du Bureau des narcotiques et des drogues dangereuses, ancêtre de la DEA (Drug Enforcement Administration). Selon un ami d’Elvis interrogé par France Inter, le roi de Memphis était jaloux d’un célèbre doubleur de dessins animés qui en possédait une.

Citée par le Guardian, Priscilla Presley, son ex-conjointe de 1967 à 73, a, quant à elle, affirmé dans ses mémoires, qu’avec cette plaque, Elvis “pouvait entrer dans n’importe quel pays en portant des armes et la drogue qu’il souhaitait.” Après la réalisatrice Liza Johnson et son film Elvis And Nixon en 2016, son ancienne épouse s’empare, à son tour, de cette histoire en imaginant l’artiste en agent secret la nuit pour Netflix. “C’était le rêve du King d’être agent secret”, a-t-elle assuré au Hollywood Reporter.