“Apocalypse à Waco” : “un moment emblématique et tragique de l’histoire américaine” sur Netflix
La nouvelle mini-série documentaire de Netflix revient sur le siège de la secte de Waco. Un événement pivot dans l’histoire américaine et des médias
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Publié le 21-03-2023 à 15h37 - Mis à jour le 22-03-2023 à 07h50
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Nous n’avons pas encore pu voir la nouvelle mini-série documentaire en trois épisodes de Netflix, Apocalypse à Waco : une secte assiégée. Mais nul doute qu’elle devrait faire quelque bruit.
Que s’est-il passé à Waco ? Le 19 avril 1993, après 51 jours de siège, 86 disciples de la secte des Davidiens, dont 17 enfants de moins de 10 ans, meurent avec leur gourou, David Koresh, dans l’incendie qu’ils ont allumé lors de l’assaut par le Bureau de l’alcool, du tabac et des armes à feu (Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms ou ATF) de leur ferme-forteresse à Waco, au Texas. Selon des témoignages, David Koresh pratiquait la violence, l’atteinte sexuelle sur mineur et la polygamie.
“Pendant toute la durée de nos rapports sexuels, c’était une étude biblique”, affirme l’une des “épouses spirituelles” de Koresh dans la bande-annonce. Même si la dangerosité des membres de la secte était reconnue, l’intervention fut mise en cause aux États-Unis, les risques de suicide collectif n’ayant pas été suffisamment pris en compte. L’affaire est considérée comme l’un des événements les plus catastrophiques de l’histoire américaine contemporaine. Depuis, le terme “Waco” est devenu générique pour désigner ce genre de siège qui tourne au fiasco – ou la crainte qu’il survienne.
Pourquoi c’est une “apocalypse” ? Le titre original de la mini-série est Waco : American Apocalypse. Comme si l’événement lui-même représentait une apocalypse pour le pays. C’est “un moment emblématique et tragique de l’histoire américaine”, affirme le réalisateur Tiller Russell. Il cristallise “des éléments puissants et provocateurs qui se répercutent encore aujourd’hui” : “un leader prophétique avec une vision apocalyptique, un débat féroce sur le droit de porter des armes, et la mise à l’épreuve des limites constitutionnelles de la liberté religieuse”.
La référence religieuse n’est ni excessive ni déplacée. De nombreuses sectes américaines sont obsédées par une interprétation littérale de la Bible et l’Apocalypse, et par la nécessité de s’y préparer, parfois les armes à la main : “Vous vous êtes préparés depuis huit mois. Depuis combien de temps pensez-vous que nous nous préparons ?”, menace Koresh au FBI. “Beaucoup de gens m’ont dit qu’il essayait de me préparer”, témoigne une femme dans la bande-annonce, présentée comme le dernier enfant libéré du complexe. La lecture radicale de l’Apocalypse et l’eschatologie qui en découle remontent aux Pilgrims du Mayflower, traditionnellement considérés comme les premiers “Américains”. Fondamentalistes protestants, attachés à l’autonomie vis-à-vis de toute autorité, ils sont le modèle des sectes religieuses américaines.

Pourquoi le siège de Waco a-t-il marqué les esprits ? Le raid a donné lieu à la plus intense des fusillades survenues sur le sol américain depuis la guerre de Sécession. C’est l’action la plus meurtrière des autorités américaines contre ses propres citoyens. Elle nourrit l’argumentaire des milices armées qui s’opposent à tout contrôle des armes et du gouvernement. Le terroriste d’extrême-droite Timothy McVeigh déclara avoir commis l’attentat d’Oklahoma City, en 1995, entre autres en réaction au siège de Waco.
L’épilogue tragique a été retransmis en direct sur toutes les chaînes de télévision. Des débuts du raid du FBI, le 28 février 1993, filmés en temps réel par une équipe de journalistes locaux, à l’incendie du 19 avril, il n’y a pas eu un seul moment de la saga de Waco qui n’a pas été filmé par une caméra. À l’intérieur du complexe, David Koresh, messie autoproclamé des Davidiens, tournait ses propres vidéos. Il s’est filmé à l’aide d’une caméra fournie par le FBI alors qu’il était gravement blessé. Ces images ont contribué à faire du siège de Waco l’information la plus suivie de tous les temps en 1993, alors que les chaînes d’info en continu sont encore un phénomène relativement récent. Cet instant pivot dans l’histoire de la télévision a contribué à inscrire le funeste événement dans l’imaginaire collectif.
Que peut-on attendre de la série Netflix ? L’histoire de Waco a inspiré d’innombrables livres, documentaires, émissions spéciales de télévision et délires complotistes. Avant même que le siège ne soit terminé, une première reconstitution télévisée était mise en production (avec Tim Daly, de la série Wings, dans le rôle de Koresh). La plus récente de ces adaptations, Waco, avec Taylor Kitsch, a été diffusée en 2018. Une suite, Waco : The Aftermath, sur les suites judiciaires du siège, sera diffusée aux États-Unis sur Paramount + mi-avril. Comme pour la mini-série Netflix, sa diffusion coïncide avec le 30e anniversaire des événements.
Netflix annonce “des vidéos inédites”, issues des archives de l’ATF et du FBI, notamment filmées au sein de son groupe de gestion de crise, qui négociait avec David Koresh, des images d’actualité jamais diffusées aux États-Unis, et des enregistrements sonores des conversations du FBI avec Koresh. Autre argument : “une technologie visuelle d’avant-garde” pour des reconstitutions en 3D du site – avec un réalisme bluffant si l’on en croit la bande-annonce ou des images aériennes des lieux reconstitués, comme si elles étaient filmées par des drones. La bande-annonce suggère aussi une dramatisation digne d’un thriller d’action.

Mais encore ? “Plutôt que d’attribuer des responsabilités, nous avons essayé de traiter l’affaire d’un point de vue profondément humaniste, en nous concentrant sur ce que ressentent les gens de tous bords lorsqu’ils sont pris dans les griffes de l’histoire.” Dans ses entretiens promotionnels, le réalisateur Tiller Russell, coutumier des séries documentaires – on lui doit Le Traqueur de la nuit : Chasse à l’homme en Californie – répète un mot en boucle : “humaniser”. Il a voulu “humaniser” tous les protagonistes encore en vie qu’il a rencontrés, ex-agents de l’ATF et du FBI, négociateurs, membres de la secte (ou leurs enfants devenus adultes), même, si l’on en croit la bande-annonce, le sniper qui a tiré sur Koresh.
Lors d’un entretien récent à une chaîne texane, Russell évite soigneusement tout jugement sur Koresh et la secte. Sa ligne consiste à prendre en compte les fautes fatales, des deux côtés, qui se sont combinées pour créer la tragédie. Pas sûr qu’on puisse en tirer les leçons pour l’avenir dans des États-Unis où milices et sectes s’arment toujours plus et plus lourdement.