Brillante, drôle et grinçante… La série “Beef” (Netflix) capte les malaises du monde moderne

Amy Wong et Steven Yeun se font la guerre après un vulgaire accrochage sur un parking. Une série bien plus profonde qu'elle en a l'air.

Entre Amy (à gauche) et Danny (en haut à droite), une course poursuite absurde s'engage après un banal accrochage.
Entre Amy (à gauche) et Danny (en haut à droite), une course poursuite absurde s'engage après un banal accrochage. ©ANDREW COOPER/NETFLIX

Ça commence par un simple accrochage en voiture entre deux conducteurs sur le parking d’une zone industrielle. Banal. Le conflit aurait pu se régler, intelligemment et avec sang-froid, par un mea-culpa. Normal. Il se termine par des coups de klaxons, des insultes, un doigt d’honneur rageur et une course-poursuite délirante sans que les deux protagonistes ne parviennent finalement à se parler, ni à s’identifier. Une plaque d’immatriculation a, quand même, été relevée. Le début d’une vendetta qui rappelle l’escalade de rancœur absurde de The Banshees of Inisherin.

Les dix épisodes de "Beef" sont déjà disponibles sur Netflix.
Les dix épisodes de "Beef" sont déjà disponibles sur Netflix. ©Netflix

Les deux protagonistes sont au bout du rouleau. Il y a, d’abord, Danny Cho (Steven Yeun), dont la vie sent clairement la défaite. Ce trentenaire américano-coréen vit en coloc avec un petit frère (qui ne paie pas son loyer), a mis sa vie sentimentale de côté, pour finalement faire péricliter le motel familial. À cause de lui, ses parents sont bloqués en Corée. Il se bat pour acheter une maison dans le but de les rapatrier aux USA. Sauf qu’il se casse les dents sur la précarité. Danny dépend du bon vouloir des riches de s’attacher ses services. Ses compétences : réparer une machine à laver, tailler les haies, trouver l’origine d’une fuite.

Amy (l’excellente Ali Wong connue entre autres pour son stand-up Baby Cobra) est l'archétype de la femme qui pourrait faire appel à lui. Sur le papier, l'Américaine d’origine chinoise, coche toutes les cases. Elle est maman d’une petite fille, mariée à un homme élégant et présent, propriétaire d’une belle résidence et d’un business de plantes qui cartonne. En réalité, elle est complètement paumée, épuisée par les injonctions au bonheur, les notifications en pagaille et les faux-semblants du monde professionnel.

Un scénario parfaitement ciselé

Le thème de la vengeance est décidément à la mode. Après Donald Glover (Swarm sur Prime), c’est au tour de Lee Sung Jin d’imaginer des personnages en rage et empêtrés dans la loi du talion. Pour écrire Beef, ce dernier est d’ailleurs parti d’un vrai accrochage qu'il a eu sur la route. Le scénariste du futur Thunderbolts s'en est servi comme point de départ d'une histoire complexe, ciselée, drôle, subtile, aussi grinçante que cathartique.

Derrière les vannes, ce dernier capte les affres du monde moderne et les névroses de ses contemporains. Notamment des Millennials. Les clashs et la violence verbale qui se banalisent sur le Web et dans le réel, la colère latente depuis la crise sanitaire, les sollicitations qui se multiplient, l’épidémie de burn-out, le phénomène du “Big Quit” aux États-Unis, ou encore la difficulté d’être parents… Sans oublier les fadaises des gourous du développement personnel qui font leur beurre sur le mal-être et le vide existentiel. Comme Ramy et Mo, d’autres fictions produites par A24, Beef offre, aussi, une fenêtre précieuse sur la vie des minorités aux États-Unis. La communauté asiatique y est dépeinte et, pour une fois, sans stéréotypes, ni racisme. Avec, en prime, une excellente bande-son nineties.

Beef (”Acharnés”) ; Comédie noire de Lee Sung Jin ; Réalisation : Hikari, Jake Schreier ; Avec Steven Yeun et Ali Wong ; Netflix (10X30').

étoiles Arts Libre cinéma
étoiles Arts Libre cinéma ©LLB
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