"Knutby" : plongée cauchemardesque au cœur d’une dérive sectaire qui a choqué la Suède
La série “Knutby” (BeTV) s’inspire d’un fait divers qui s’est déroulé en 2004. Critique.
- Publié le 08-09-2023 à 13h33
:focal(955x545:965x535)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/UZA2PESLBFGIBE3I22H6BWLNEI.jpg)
Dans la tête d’Anna, ça ne va pas fort. Un euphémisme. Et ça se voit aussi sur son visage. Les larmes au bord des cils, des poches sous les yeux, la jeune femme à la voix éraillée se confie, assise sur un canapé : “Ça me paraît bizarre. Il m’envoie des SMS. Dieu… Ou Jésus, je ne sais pas. Je ne comprends pas comment ça a pu arriver là. Ce n’est pas ce que je voulais”, assure-t-elle, avant un montage “cut” d’images de la jeune femme. Anna inhalant d’abord un shot de spray pour asthmatiques, s’excusant ensuite auprès de sa cible, appuyant sur la gâchette d’un pistolet.
Les discours cachent la violence
Deux ans auparavant, la blonde suédoise n’a pourtant, a priori, rien d’une criminelle. Réservée, bien élevée, cette femme “normale” vit en colocation avec Cilla. Le week-end, les deux copines se rendent régulièrement à Knutby, bourgade composée d’un millier d’âmes, située à trois quarts d’heures de route d’Uppsala, pour assister à une messe organisée par une Église évangélique pentecôtiste.
Anna va intégrer cette communauté fonctionnant quasiment en circuit fermé. Pour ne plus jamais en sortir. La jeune femme fait la connaissance des pasteurs de l’Église qui gèrent le culte. Souriants, charismatiques, empathiques, solidaires et intègres sur le papier, ces derniers inspirent la jeune naïve par de grandiloquents sermons. Une façade. Les rictus et les belles valeurs mises en avant escamotant un radicalisme et une toxicité flippante, notamment en raison d’Eva.
Cette femme pasteure est persuadée (fait-elle semblant ?) d’avoir été choisie par Dieu pour devenir son épouse. Dieu communiquerait, apparemment, avec elle à travers Sindre (un autre pasteur) qui délivre, au compte-goutte, ses prophéties. Fou ? Oui. La série s’inspire, pourtant, d’une histoire vraie qui a choqué toute la Suède et ayant déjà fait l’objet d’une série documentaire de la part de HBO. Entre manipulations, arnaques et violences de tous types.
Montage intelligent, actrice flippante
Après avoir réalisé Kalifat (Netflix), mini-série suivant des femmes ayant rejoint Daech et qui a cartonné en Suède, Goran Kapetanovic explore la même thématique avec réussite : le radicalisme. Grâce à une réalisation nerveuse et un montage intelligent (en faisant se succéder, par exemple, des images illustrant l’enthousiasme démesuré des fidèles, puis les horreurs commises par les cadres), le cinéaste nous immerge dans l’enfer d’une dérive sectaire évangéliste. Comme l’avait fait Ari Aster dans son film Midsommar au cœur d’un culte païen scandinave bien barré.
Ceux qui ont visionné, cet été, Les secrets de Hillsong, série documentaire de Disney + sur une autre Église évangélique pentecôtiste touchée par les scandales, noteront des points communs entre les deux communautés : la mise à l’écart des moutons noirs, la crédulité et la fragilité de certaines victimes, l’enrichissement de plusieurs cadres au détriment des bonnes œuvres, ou encore le charisme des pasteurs… Goran Kapetanovic peut d’ailleurs compter sur un duo d’acteurs parfait pour évoquer la folie des prêcheurs : Einar Bredefeldt (Sindre) et surtout Aliette Opheim (Eva). Pour son rôle terrifiant, l’actrice a d’ailleurs reçu le Kristallen de la meilleure actrice, prix décerné par la télévision suédoise. Cette série psychologique est une réussite, même si le créateur aurait pu faire l’économie d’au moins un épisode.
"Knutby" – Série de Goran Kapetanovic – Avec Aliette Opheim, Alba August, Einar Bredefeldt… Sur Be Séries le vendredi, dès 20 h 30, en streaming sur Be à la demande (6 x 44').