Série “Tapie” sur Netflix : Croyant, sanguin, altruiste… Dix choses à savoir sur Bernard Tapie avant de lancer le biopic
Netflix met en ligne, mercredi, la série “Tapie”, biopic de Bernard Tapie. Franz-Olivier Giesbert présente les façettes (pas toujours connues) de l’ancien homme d’affaires.
- Publié le 12-09-2023 à 14h22
- Mis à jour le 12-09-2023 à 14h23
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”Ça a été compliqué, parce que c’était un livre, au départ, signé par lui, mais que je devais écrire. En tant que 'nègre' littéraire. Et puis, on s’engueulait tout le temps. Les interviews, on en a fait sept d’une heure je crois, c’était atroce. Il ne voulait pas répondre à mes questions quand elles étaient personnelles. Malgré les apparences, c’était quelqu’un d’extrêmement pudique, qui détestait parler de lui… Il pétait les plombs à chaque fois, ça se terminait mal. Claquements de porte, hurlements, etc. Il m’a dit un jour : 'Finalement, fais-le. On n’en parle plus'. Et c’est ce que j’ai fait”, se souvient, aujourd’hui, Franz-Olivier Giesbert, à propos de son ouvrage Bernard Tapie, Leçons de vie, de mort et d’amour (Presses de la Cité, 2021). Journaliste, écrivain, éditorialiste, ancien directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, du Figaro et du Point, “FOG” avait aussi travaillé sous les “ordres” de Bernard Tapie à La Provence.
P comme populaire
Dans son ouvrage, Franz-Olivier Giesbert revient sur l’enfance de “BT” (1943-2021), comme “FOG” l’appelle. Une enfance populaire dans un “taudis de 14 m2” au Bourget en Seine-Saint-Denis, banlieue nord de Paris. Enjolive-t-il ? “Que le taudis soit plus grand ou plus petit, cela ne change rien. Les Tapie sont serrés les uns sur les autres”, écrit Giesbert. “C’était vraiment la misère”, confirme-t-il, aujourd’hui, par téléphone. La mère de Bernard était couturière, le père, un ajusteur-fraiseur communiste. “Tapie savait d’où il venait, il n’avait pas oublié ses racines. Il était proche du peuple”, assure “FOG”.

S comme sport
”Il s’en est sorti par le sport”, rappelle le journaliste. Petit, Bernard Tapie n’est apparemment pas bon élève, sans être mauvais. Il écume surtout le stade municipal à côté de chez lui. Il y passe la plupart de son temps libre. Entre foot, natation, volley ou hand… “Grâce à ça, j’ai eu l’enfance d’un fils Rockefeller […] Je découvre l’envie de gagner, d’être toujours le premier, et son corollaire, la blessure de perdre”, confie-t-il dans le livre avant d’embrayer un peu plus loin. “Dans ce contexte, je refuse très vite le boulet que mon éducation va me coller au cul et qui a empêché mon père de comprendre pendant des années qu’il valait beaucoup mieux que ce qu’il croyait.” Tapie fera du sport jusqu’à la fin de sa vie. “Même malade, il faisait les escaliers, il montait, descendait, puis remontait. Chaque week-end, il parcourait Paris-Combs-la-Ville à vélo. Aller-retour.” Soit 102,6 kilomètres.
A comme ascension
S’il est parvenu à quitter son milieu d’origine, Bernard Tapie le doit aussi, selon l’ouvrage, au service militaire. “La révélation de ma vie”, expliquait-il. Il est élève-officier entouré, majoritairement, de jeunes venant de milieux favorisés et il devient, pourtant, “un taulier” malgré ses origines modestes. “J’ai pris conscience qu’il n’y avait aucune raison que je reste au bas de l’échelle.” Parmi ceux qui ont beaucoup compté, il y a aussi Marcel Loichot, “le pape du pancapitalisme”, qui l’invite dans sa maison cannoise, “le prend sous sa coupe, le déniaise et lui enseigne le conseil en entreprise”, raconte Giesbert dans son livre. À propos de Loichot, Tapie dit : “Avec Mitterrand, c’est le type qui m’aura le plus épaté dans toute ma vie. […] Il n’avait peur de rien.”
M comme médias
”Il n’a jamais eu de bons rapports avec les médias. Il était trop impatient pour bien les traiter”, rembobine Franz-Olivier Giesbert, qui se souvient des pressions et menaces de Tapie lorsqu’il a eu affaire à lui. Ce qui n’empêchait pas BT de passer souvent dans les médias. En radio dans Les Grosses Têtes sur RTL, à la télé, en jogging vert/marcel rouge, avec Véronique et Davina dans Gym Tonic ou aux Guignols de l’info sur Canal, où sa marionnette entonnait son hymne : “La combine à Nanard”. Le businessman avait, aussi, animé Ambitions, une émission économique mensuelle sur TF1 dans laquelle Tapie aidait les jeunes entrepreneurs à se lancer. “Il a créé des écoles pour les chefs d’entreprise, il donnait des conseils pour la vente. Il aimait communiquer. Ce n’était pas quelqu’un qui pensait tout le temps à lui.”
B comme brute
”Il était brutal comme tous les gens sentimentaux”, analyse Franz-Olivier Giesbert. Dans le livre, ce dernier liste plusieurs bagarres auxquelles “Nanard” a participé tout au long de sa vie. Notamment, une à Auxerre, où à la sortie du stade, lui et son fils Laurent, sont pris à partie par une “centaine de supporters”, la plupart imbibés d’alcool. Tapie serait, alors, sorti de la voiture, en rogne, pour hurler à la horde. “Vous voulez faire les malins ? Si vous avez des couilles, prenez-moi à la loyale, un par un !” Le jour où le joueur irlandais Tony Cascarino lui balance un “fuck off”, BT tombe la veste pour se battre. Giesbert n’a pas oublié : “Il n’avait peur de rien. Il pouvait vite en venir aux mains. Je me souviens qu’une fois, il m’a poussé parce que je n’étais pas d’accord avec lui. Pour vous faire entendre, vous étiez obligé de parler plus fort, il voulait toujours tout imposer. Je me suis beaucoup engueulé avec lui mais je l’aimais beaucoup.” Bernard Tapie était un dur à cuire, au point de refuser les antidouleurs, même atteint d’un cancer.
A comme altruisme
Bernard Tapie altruiste ? C’est ce qu’on découvre à la lecture de plusieurs passages de l’ouvrage. “Il était passionné par l’argent, bien sûr, frimeur, montrant son fric, certainement. Mais en même temps, il était capable d’altruisme, de bienveillance, de s’intéresser aux autres. On ne peut pas l’assigner à la caricature qu’on a voulu faire”, argumente “FOG”. Lorsqu’une tribune du stade Furiani (Bastia) s’effondre, Tapie aurait eu “un rôle incroyable” dans les opérations de sauvetage, selon le journaliste Jacques Vendroux, son ami. “Il est devenu chef de bande”, racontait ce dernier sur le plateau de CNews. En lisant le livre, on apprend aussi que Bernard Tapie aurait accueilli une jeune fille malade, chez lui, en fin de vie après qu’elle lui a écrit. “Au départ, ce n’est pas lui qui m’a raconté ça”, précise Franz-Olivier Giesbert avant d’embrayer : “Ce qui m’a frappé, en travaillant sur le personnage, les gens ne peuvent pas y croire, c’est qu’il était très croyant et priait. C’est très inattendu. C’était un homme avec des défauts et des qualités qu’on lui a retirées. J’espère que la série Netflix rend ce côté humain.”
B comme business
Bernard Tapie a commencé sa carrière en vendant, notamment, des téléviseurs, avant d’ouvrir ensuite un magasin d’électroménager. Plus tard, il deviendra repreneur d’entreprises à partir des années 70. C’est-à-dire qu’il rachète des boîtes qui sont condamnées à la faillite : Look (les fixations de ski), Wonder (les piles), La Vie Claire (le bio), Terraillon et Testut (pesage)…“C’est un métier un peu de carnassier…”, admet “FOG”. Dans son ouvrage, Bernard Tapie évoquait cette activité : “Je n’arnaque personne. J’arrive quand les entreprises sont à l’agonie, quasiment mortes, et qu’elles ne trouvent pas de repreneurs. Je ne dis pas aux salariés que je suis là pour toujours. […] Moi je redresse. La gestion au long cours, ça n’est pas mon métier.”
P comme politique
Via son ami publicitaire Jacques Séguéla (dont le fils Tristan coréalise, d’ailleurs, la série), Bernard Tapie fait la rencontre de François Mitterrand en 1987. Un an plus tard, le président socialiste lui demande de se présenter dans les Bouches-du-Rhône aux législatives face à Guy Tessier (UDF). Tapie perd de peu, avant de l’emporter lors d’une partielle un an plus tard. Le 2 avril 1992, BT deviendra ministre de la Ville au sein du gouvernement de Pierre Bérégovoy. Cinq mois. “Je pense que c’est la grosse connerie de sa vie. Sa femme Dominique ne voulait pas qu’il fasse de politique. Il avait une énergie folle, beaucoup d’intelligence, ce qui lui manquait, parfois, c’était le bon sens. Et il écoutait beaucoup son épouse à la fin. Elle a pris un vrai pouvoir au fur et à mesure. Les dernières années, tout passait par elle”, argumente le journaliste. À propos de sa carrière en politique, Tapie s’explique, aussi, dans son ouvrage : “Plus j’y réfléchis, plus je me dis que c’est la vanité qui m’a tué.”
J comme justice
Bernard Tapie s’est retrouvé plusieurs fois devant la justice. L’ancien empereur de Centrafrique, Jean-Bedel Bokassa, avait, par exemple, contesté la vente de châteaux à l’homme d’affaires. Tapie lui avait fait croire que l’État français allait les saisir, pour obtenir un prix au rabais. En 1995, il est condamné pour “complicité de corruption et subornation de témoins” dans l’affaire VA-OM. Un joueur de Valenciennes avait révélé une tentative de corruption des Marseillais à quelques jours de la finale de coupe d’Europe contre Milan. Bernard Tapie, alors président de l’OM, écope de deux ans d’emprisonnement dont huit mois ferme. Il niait les faits dans le livre. “Quand on est président de l’OM, on n’achète pas Valenciennes. Sinon, on relève de l’hôpital psychiatrique, pas de la prison.” Enfin, il y a bien sûr l’affaire du Crédit lyonnais autour de la vente de la marque Adidas dans les années 1990. La Cour de cassation a ordonné, en juin dernier, la tenue d’un nouveau procès.
M comme Marseille
Tapie reprend les rênes du club de football marseillais en 1986. À cette époque, le club végète dans le ventre mou du championnat français. Sept ans après et quatre titres de champion plus tard (1989, 1990, 1991, 1992), il réussit ce qu’aucun autre président d’un club de foot français n’a, avant, ni après, réussi à faire : remporter la Ligue des champions. L’équipe entraînée par Raymond Goethals s’impose face au Milan AC de Silvio Berlusconi sur un but de la tête de Basile Boli. “Moi qui vis à Marseille, sa popularité ici est inimaginable. Il était aimé, c’était dingue. Il aimait Marseille et la ville le lui rendait”, témoigne “FOG”. Le foot n’est pas le seul sport dans lequel l’homme d’affaires français a investi. Il rachète, ainsi, La Vie claire, une équipe cycliste dans laquelle il signe Bernard Hinault. Le “blaireau” remporte le Tour de France 1985. “C’est la dernière fois que la France a gagné un Tour de France”, rappelle Franz-Olivier Giesbert. “Si on lui disait que c’était impossible, il le faisait.” Le cycliste breton lui avait rendu hommage à sa mort dans L’Équipe. “Je sortais d’une opération, il m’a fait confiance.”
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