`Oubliée´ par les Nazis, une petite fille juive raconte

L'actualité israélo- palestinienne ne doit pas occulter l'histoire du XXe siècle et de la Shoah aux yeux des jeunes enfants. Parce que ceux-ci n'auront pas l'occasion de rencontrer les derniers témoins de cette catastrophe, il est urgent qu'ils lisent `Oubliée´ par Eva Erben

LAURENCE BERTELS

Oubliée

Eva Erben,

École des loisirs, 140 pp., 8 €. Dès 8 ans.

L'actualité israélo- palestinienne ne doit pas occulter l'histoire du XXe siècle et de la Shoah aux yeux des jeunes enfants. Parce que ceux-ci n'auront pas l'occasion de rencontrer les derniers témoins de cette catastrophe, il est urgent qu'ils lisent `Oubliée´ par Eva Erben.

Publié en Israël en 1981, traduit en allemand en 1996, ce livre vient d'être édité en français à l'École des loisirs grâce à la traduction d'Anne Karila.

Tragique - malgré une fin heureuse - et surtout autobiographique, `Oubliée´ raconte les souvenirs d'une jeune fille juive; souvenirs enfouis pendant de longues années. Nombreux, sans doute le sait-on, sont les Juifs survivants qui ont préféré taire l'horreur vécue dans les camps de concentration le temps de surmonter, dans la mesure du possible, la surréaliste réalité.

Tardif, le geste de l'auteur n'en est pas moins essentiel. Son `petit´ livre est de ceux qui suscitent de grands bouleversements. Depuis le jour de sa parution en Israël, puis en Allemagne et en République tchèque, il a généré un travail de mémoire d'une ampleur surprenante.

Eva Erben vit actuellement en Israël. Elle est mère d'un petit garçon et déjà grand-mère de ses grands enfants.

Un jour, en 1979, elle monte la garde à l'entrée de l'école de son fils après la vague d'attentats qui vient de prendre pour cible les établissements scolaires d'Israël. L'institutrice lui demande alors de venir raconter son passé de déportée juive aux enfants de la classe de son fils. Et son récit commence, en toute logique, par les souvenirs heureux d'une fillette née en 1930 en Tchécoslovaquie, pays envahi par les Nazis en 1939.

Suivront très rapidement l'arrestation d'Eva et de ses parents, les premières années à Theresienstadt où, la vie proche de l'enfer au regard des innocentes années de l'enfance, ressemblait presque au paradis à côté des mois passés, plus tard, à Auschwitz. Là moururent l'un après l'autre ses deux parents tandis qu'elle survécut, `oubliée´ dans une botte de foin où elle avait passé la nuit.

Voulant écrire le livre pour les enfants, Eva Erben a choisi de ne pas jeter telle quelle la réalité à la face du jeune lecteur. Elle la suggère, l'évoque sans pathos, ne l'édulcore pas non plus.

Que la petite Eva ait passé quatre ans à Theresienstadt permettra en outre aux jeunes lecteurs de découvrir l'ironique histoire de Brundibar monté dans ce camp de concentration par les enfants et adultes artistes enfermés là-bas. Ce camp `privilégié´ servait de propagande aux Nazis qui abusèrent jusqu'à la Croix- Rouge. Pourtant seuls quatre des cent enfants de la Troupe de théâtre de Theresienstadt ont résisté à l'Auschwitz qui les attendait. Quatre dont Eva.

Précieux car il est un des derniers témoignages vivants de cette époque, `Oubliée´ parvient également à évoquer d'heureux souvenirs d'enfance, de belles féminines et maternelles années.

Parfois insoutenable, il raconte aussi la vie d'une fillette sans histoire avant les premiers bruits de bottes et celle d'une adolescente plus mûre après la guerre. Sombre, il n'est pas noir. Et comme l'écrit Mirjam Pressler dans la postface, chacun des récits autobiographiques venus d'Israël peut nous rappeler que derrière le chiffre effrayant des `six millions´, il y a autant d'êtres humains.

© La Libre Belgique 2002

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