Des milliers d'oeuvres à numériser

Cinq millions de livres, 800000 estampes et dessins, des milliers de photos anciennes, 200000 monnaies et médailles, 200000 cartes et plans, 50000 documents sonores, des milliers de partitions et lettres, 40000 manuscrits, 3000 incunables, 35000 ouvrages précieux, des millions de journaux... La Bibliothèque royale de Belgique, au Mont des Arts à Bruxelles, abrite un trésor inestimable.

Sophie Lebrun

Cinq millions de livres, 800000 estampes et dessins, des milliers de photos anciennes, 200000 monnaies et médailles, 200000 cartes et plans, 50000 documents sonores, des milliers de partitions et lettres, 40000 manuscrits, 3000 incunables, 35000 ouvrages précieux, des millions de journaux... La Bibliothèque royale de Belgique, au Mont des Arts à Bruxelles, abrite un trésor inestimable. Or ce patrimoine artistique et scientifique est menacé de disparition à plus ou moins long terme. Certaines pièces, vu leur état de dégradation, ne sont plus accessibles au public depuis belle lurette.

La numérisation - réalisation d'une copie numérique de l'original - constitue une alternative incontournable, d'autant que, couplée à Internet, elle élargit l'accès public aux oeuvres. Dans ce domaine, la bibliothèque belge accuse un retard par rapport à ses consoeurs néerlandaise, britannique, française, américaine... même si elle a déjà quelques réalisations à son actif, qu'il s'agisse de catalogues automatiques ou de digitalisation d'objets proprement dits. Les projets en cours concernent notamment des oeuvres d'art (en collaboration avec les universités), afin de créer une banque d'images pour les cours d'histoire de l'art; les atlas historiques; les incunables et post-incunables; les manuscrits de la «Librairie des ducs de Bourgogne»; des photos anciennes dans le cadre d'un projet européen...

Priorité aux objets rares

Or la Bibliothèque va bénéficier d'un sérieux coup de pouce: soit le Plan de numérisation du patrimoine fédéral, initié par Charles Picqué (PS) et concrétisé cette année par Fientje Moerman (VLD), ministres successifs de la Politique scientifique. Doté d'un budget de 147,7 millions d'euros étalé sur dix ans dès 2005 (43,8 de la Politique scientifique, 30,5 des institutions, 73,8 millions par emprunt à la BEI), le plan concerne les dix Etablissements scientifiques fédéraux. Les Archives générales et la Bibliothèque royale en sont les principaux bénéficiaires. L'objectif est multiple: rendre ce patrimoine (plus) accessible, le faire connaître, le protéger, le valoriser économiquement, améliorer la gestion des collections, créer des réseaux internationaux...

«La Belgique va bénéficier de l'expérience d'autres pays. Elle devra veiller à suivre leurs standards, sinon il n'y aura pas d'échange» met en garde Willy Vanderpijpen, chef du département logistique de la Bibliothèque. La numérisation suppose aussi une adaptation constante, rappelle le conservateur en chef Raphaël De Smedt: «les produits digitalisés, les supports, le système hardware doivent être régulièrement convertis, renouvelés, sinon les frais auront été vains! ».

Une chose est sûre: on ne pourra pas tout numériser, il faudra faire des choix. Plusieurs critères interviendront, résume Willy Vanderpijpen. Priorité aux oeuvres en mauvais état, uniques, souvent consultées «et utiles à l'enseignement secondaire». Il faut en outre tenir compte des aspects légaux (droits d'auteur) et éviter les doublons, d'où la nécessité de se parler, entre institutions, histoire de ne pas numériser deux fois les mêmes collections. Les scientifiques devront aussi s'accommoder d'un critère plus terre à terre: la possibilité de tirer profit de la numérisation par la vente de DVD, CD-rom et autres, en lien avec une exposition par exemple. Mais avant cela, la priorité sera d'inventorier les objets et numériser les inventaires existants.

Très fragiles en raison de la piètre qualité de leur papier, les livres du XIXe siècle figurent parmi les urgences, avec les atlas historiques et cartes du XVIe au XVIIIe siècle, mines d'informations, mais délicats et difficiles à manipuler. La section musique doit numériser de nombreux périodiques, disques et bandes magnétiques déjà inaccessibles à cause de leur dégradation... ou faute de matériel de lecture adéquat (disques 78 t).

Le «nouvel original» à l'abri

En général, deux types de copies (obtenues par photo ou scanner) seront réalisés: une copie en haute résolution, constituant un «nouvel original», inaccessible au public; une autre en format compressé, facilement consultable sur ordinateur. Certains imprimés seront ensuite

OCR-isés (Optical caracters recognition, qui convertit l'image en texte, par lecture optique) : cela ouvre la possibilité de faire une recherche par mot dans tout le document.

Les copies numériques seront consultables sur CD-rom, DVD et/ou surtout par Internet - gratuitement autant que possible.

On imagine déjà les salles de lecture se vider au profit de la bibliothèque virtuelle... «Nous ne craignons pas cela, réagit Willy Vanderpijpen, l'essentiel est le service que nous offrons, l'accès au patrimoine, qu'il se fasse à l'intérieur ou à l'extérieur de nos murs.» Et de citer l'exemple de la British Library: «En un an, elle a accueilli 466600 visiteurs dans ses salles et... 15 millions de visites sur son site internet!». Preuve, si besoin est, que «la Bibliothèque n'existe pas que pour les scientifiques, mais pour tout le monde.»

© La Libre Belgique 2004

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...