Journal très intime

"Fraise et chocolat" - dont le second tome a récemment paru aux Impressions Nouvelles - est l'histoire d'un tandem amoureux. Le genre d'histoire qui fait monter le rouge aux joues jusqu'aux oreilles et/ou provoque d'agréables picotements dans la région du bas-ventre - les deux ne sont d'ailleurs pas incompatibles.

Olivier Le Bussy

"Fraise et chocolat" - dont le second tome a récemment paru aux Impressions Nouvelles - est l'histoire d'un tandem amoureux. Le genre d'histoire qui fait monter le rouge aux joues jusqu'aux oreilles et/ou provoque d'agréables picotements dans la région du bas-ventre - les deux ne sont d'ailleurs pas incompatibles.

Une histoire d'autant plus troublante qu'elle écarte les rideaux de l'intimité de l'auteur et de l'homme qu'elle aime pour en faire partager une partie. Chenda, vingt-sept ans, et Frédéric, pour qui la quarantaine ne sera bientôt plus qu'un souvenir, sont, en effet, les reflets de papier d'Aurélia Aurita - pseudo choisi en référence au nom d'une méduse "absolument pas dangereuse pour l'homme" - et de son compagnon, lui aussi auteur de bandes dessinées, le nippophile Frédéric Boilet.

Une histoire qui démontre qu'en matière d'amour charnel, la curiosité n'est pas un vilain défaut. La température grimpe au fil des pages d'un récit où l'on apprend, entre autres choses, que les légumes oblongs peuvent servir ailleurs que dans la cuisine. "C'est comme ça que je vois les choses", explique Chenda-Aurélia. "En général, ce que je vois quand on parle de sexe ne me satisfait pas".

"Je suis toujours frappé par la faible place que tient le sexe dans les histoires d'amour racontées au cinéma", enchérit Frédéric Boilet . "Moi, j'ai toujours voulu le montrer de manière différente dans mes ouvrages".

Lors de la parution du premier volume, en 2006, Aurélia Aurita a quand même craint qu'il soit mal compris, ou perçu comme quelque chose qu'il n'était pas. "J'avais peur que ce soit considéré comme un porno, ou rangé dans les rayons érotiques des librairies. Mais les libraires ont senti qu'il ne fallait pas glisser ce livre dans le ghetto érotique".

La spontanéité et la candeur du dessin mais aussi du propos désamorcent tout ce qui, sous la plume d'un (ou d'une) autre aurait pu apparaître comme graveleux. Et Frédéric Boilet d'ajouter : "C 'est intéressant d'avoir le point de vue d'une femme et de sortir des canevas pornographiques, avec toutes ces femmes calibrées". La filiforme Aurélia Aurita a d'ailleurs croqué Chenda sous la forme d'une petite boulotte. "Une question de perception de soi. Un ami m'a dit : ça ne te ressemble pas, mais c'est bien toi."

Une perception de soi, parfois modelée par les regards méprisants ou condescendants auxquels cette métisse sino-cambodgienne a été confrontée, tant en France qu'au Japon où elle a rejoint Frédéric Boilet. En témoignent deux parenthèses sur le racisme ordinaire. "Je ne voulais pas l'aborder du point de vue de la victime, mais sous l'angle le plus banal, au quotidien".

POUR SE SOUVENIR

Car plus qu'une histoire de sexe, même si aussi passionné qu'expérimental, il occupe une place primordiale dans le récit, "Fraise et Chocolat" est avant tout une autobiographie, construite sur le modèle d'un journal très intime. Se pose, comme pour toute autobiographie, la question de l'impudeur. Surtout lorsque l'on dévoile ce qui d'habitude reste caché. "C'est la vie qui est la matière brute. L'important est de savoir si l'histoire vaut la peine d'être racontée" , explique Aurélia. "L'autobiographie s'arrête où commence celle des autres, et il n'y a pas d'autobiographie sans la complicité des personnes qui y apparaissent", poursuit Boilet qui se définit comme "le capitaine Haddock" de Chenda .

"J'ai aussi fait ce livre pour qu'on se souvienne. Duras disait : "On ne meurt pas d'amour", on oublie. C'est une manière de ne rien renier" conclut Aurélia Aurita.


Fraise et chocolat

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