Les morts à la con de l'histoire

Certains personnages illustres ont raté leur sortie en connaissant des destins tragiques et insolites. Interrogé par LaLibre.be, l'historien Dimitri Casali décrit ces moments dramatiques, pathétiques, voire... comiques. Âmes sensibles s'abstenir !

Jonas Legge
Les morts à la con de l'histoire
©Les morts à la con de l'hitoire, casali

Deux historiens français ont décrit, dans l'ouvrage "Les morts à la con de l'histoire", les destins tragiques et insolites de personnages illustres qui ont raté leur sortie. LaLibre.be a interrogé Dimitri Casali, l'un des auteurs. Âmes sensibles s'abstenir...

Pourquoi, en tant qu’historien, avoir opté pour ce vecteur plutôt anecdotique ?

Je rentre par la petite porte, par les anecdotes, pour dépoussiérer l'histoire qui est délaissée et malmenée par les plus jeunes. Tous les moyens sont bons pour redonner goût, et notamment de passer par le côté amusant, insolent. Ces morts constituent également un thème fascinant, qui nous rappelle la fragilité de notre condition humaine. Notre civilisation a une peur bleue du trépas, contrairement à une civilisation comme l’Égypte qui y voyait le passage vers l'au-delà. C'est donc aussi un message philosophique sur le pessimisme.

D'où vous est venue l'idée de ce livre ?

A travers l'histoire, qui est pour moi la plus absurde, de Charles VIII, fameux roi de la Renaissance française. Alors qu'il devait se rendre en Italie le lendemain, pour mener la guerre, il a fait visiter une partie du château d'Amboise à la reine. Et lors de cette visite, il a pris le linteau d'une porte basse en plein front et est mort quelques heures après, juste parce qu'il avait oublié de se baisser. C'est à la fois dérisoire et fascinant.

Quel est le récit qui marque le plus vos lecteurs ?

Celui qui tourne autour de l'amour, du sexe et du pouvoir et qui concerne Félix Faure, président de la République. Il est mort en 1899 au Salon bleu de l'Elysée pendant que sa maitresse, Marguerite Steinheil, lui pratiquait l'une des fellations exceptionnelles dont elle avait le secret. Emportée par un trop-plein d'énergie, elle a provoqué une convulsion cérébrale chez le "Président Soleil". Lorsque le huissier du palais de l'Elysée est entré dans la pièce, Marguerite Steinheil avait les cheveux pris dans la braguette du président.

La nouvelle s'est très rapidement répandue dans tout Paris. Et cet événement a valu à la jeune dame le surnom "Pompe funèbre". Georges Clemenceau, l'ennemi politique de Félix Faure, ne s'est pas non plus gêné pour clamer le lendemain à l'Assemblée cette fameuse phrase : "Il a voulu vivre César et il est mort Pompée".

Vous évoquez ici un personnage décédé dans un moment plutôt plaisant. D'autres ont connu des morts particulièrement cruelles administrées à l'endroit où ils ont fauté...

C'est le cas d’Édouard II, roi d'Angleterre, qui était homosexuel et qui a épousé la redoutable Isabelle de France, qui s'est rebellée contre les barons anglais. Sa femme l'a donc fait emprisonner et lui a lâché cette phrase : "Tu périras par où tu as péché". On lui a pénétré un pal chauffé au fer rouge par l'anus jusque dans la bouche. Il est donc mort dans d'horribles souffrances. Crassus, le riche consul romain, a aussi connu une mort atroce puisque les Parthes, qui l'ont emprisonné, lui ont fait couler de l'or fondu dans la bouche pour guérir sa soif de richesse.

Plus récemment, Mussolini a également connu une fin effroyable mais, pour sa part, après sa mort.

Après avoir été fusillé, son corps a été lynché par la population milanaise qui a explosé de colère après 20 ans de fascisme. Les femmes qui avaient perdu leur fils ont agi avec la violence la plus extrême en s'acharnant sur les cadavres du "Duce" et de sa maitresse. Le crâne de Mussolini est mis en bouillie. Et certains tentent même d'introduire un rat mort dans sa bouche. Finalement, la décision est prise de hisser leur corps par les pieds suffisamment haut pour éviter qu'ils soient entièrement déchiquetés.

Vous dédiez également un chapitre aux illustres personnages morts par naïveté. Quel est l'exemple le plus prégnant ?

James Cook, le navigateur britannique, en est un bon exemple. Ce disciple du philosophe Jean-Jacques Rousseau pensait également que l'homme est bon par nature. Il a exploré les mers du nord et sud et a fini dans une marmite, dévoré par des cannibales. Il a donc appris à ses dépens que la vision du penseur Hobbes, pour qui l'homme est un loup pour l'homme, est aussi d'application.

Certains sont également décédés en exerçant leur profession, comme Ambroise Vollard. Son métier semblait pourtant inoffensif...

Ce collectionneur d'art de la fin 19e-début 20e a découvert Cézanne, Van Gogh, Gauguin, etc. Il a péri par sa passion. En 1939, après un diner arrosé, son chauffeur a freiné lourdement, de façon inexpliquée. Et Vollard, bien installé dans son siège, a été assommé par la statuette de bronze de Maillol qui se trouvait sur la plage arrière.

Finalement, ces histoires nous rappellent que ces personnages ne sont pas supérieurs au commun des mortels...

C'est l'un des objectifs de mon livre. Le cas d'Attila illustre bien cet état de fait. Alors qu'il avait déjà un âge avancé, ce chef des Huns et grand guerrier a épousé une jeune princesse ravissante de 17-18 ans. Le jour du mariage, en tant que hôte remarquable, il boit une coupe avec chacun des convives. Rapidement, il est pris par la boisson. Il se réfugie alors dans sa chambre avec son épouse et n'en redescendra plus. Le sang d'Attila s'est mis à jaillir jusqu'à l'étouffer. Comme nuit de noce, on a connu mieux...


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