"What soldiers do": Quand les GI's étaient des "bandits en uniforme"

Un ouvrage sorti en juin dernier revient sur les exactions commises par les GI's présents en France en 1944. Viols, agressions... autant de crimes passés sous silence par l'armée américaine.

A.CDW
"What soldiers do": Quand les GI's étaient des "bandits en uniforme"
©University of Chicago Press

"Notre culture a définitivement érigé la Seconde Guerre mondiale au rang de 'bonne guerre' et nous ne revenons pas souvent là-dessus", note Mary Louise Roberts, auteur de "What soldiers do: Sex and the American GI in World War II", un ouvrage publié en juin par l'université de Chicago. 
Là est tout le problème remarque cette historienne américaine. Lors du jour J, sur les plages de Normandie, les Américains ont été accueillis en libérateurs. À l'inverse, leur départ d'Europe n'a pas laissé que des bons souvenirs. Selon des documents collectés par Mary Louise Roberts, le maire du Havre ne savait plus quoi faire avec tous ces GI's qui se baladaient ivres dans la rue, provoquaient des accidents avec leurs jeeps et commettaient des agressions sexuelles sur les Françaises. De nombreux cas sont aussi recensés à Reims, Cherbourg, Brest, Caen... soit les principales agglomérations où les GI's étaient stationnés.

"Une aventure érotique" 

En s'appuyant sur des archives françaises et américaines, l'historienne a fait un constat étonnant : la campagne militaire européenne n'avait pas été présentée aux jeunes recrues comme une bataille pour la liberté mais bien... comme " une aventure érotique dans un pays peuplé de femmes insatiables ", selon une formule du "New York Times" qui a consacré un article à l'ouvrage.

"Je n'arrivais pas à croire ce que je lisais ", confie Mary Louise Roberts. Celle qui enseigne l'histoire française à l'université de Madison, dans le Wisconsin, cite par exemple des documents de propagande militaire et des articles de journaux. Dans le magazine "Life", la France était décrite comme " un immense bordel peuplé de 40 millions d'hédonistes ".

Dans une interview au journal Le Monde, l'historienne précise que "Ce n'est pas propre à la France, bien sûr. Tous les théâtres de guerre étaient érotisés. C'était l'époque des photos de pin-up accrochées dans les dortoirs, de Rita Hayworth... Mais une image revient avec constance dans le journal de l'armée: les GI entourés par des Françaises. Embrassés par des Françaises. Sur l'une, on voit un groupe de femmes, visiblement réjouies. Et la légende dit :  'Voilà ce pour quoi nous nous battons.'"

"Vous êtes très jolie"

Cette présentation de la France comme un paradis du soldat se retrouvait aussi dans les guides de conversations de l'armée qui traduisaient des phrases telles que "Vous êtes très jolie " et, plus tendancieux, " vos parents sont-ils chez vous ? " Un autre document datant de juin 1944 invite les soldats à se méfier des maladies vénériennes avec cet avertissement : " N'oubliez pas que les Fritz se sont amusés en France longtemps avant que vous arriviez "...

Résultat : en 1944, le maire du Havre rapporte des " scènes contraires à la décence ". Le chef de cette commune de Seine Maritime avait même demandé aux autorités américaines d'installer des bordels en périphérie de sa ville. Las ! Sa demande n'aboutira jamais. Peut-être, comme l'avance un soldat dans une lettre, parce qu'autoriser la prostitution au sein de l'armée n'aurait pas plu aux " mères et fiancées américaines" .

Mais Mary Louise Roberts se défend de casser l'image héroïque du débarquement en Normandie. " Je suis absolument convaincue qu'ils (les Américains, NDLR) ont fait quelque chose d'incroyable. Ce qui m'intéresse, c'est d'en donner une image plus détaillée et plus réaliste."


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