Comme un adieu au monde
Jean d’Ormesson se retourne sur sa vie et professe un acte de foi.
- Publié le 16-09-2013 à 05h40
- Mis à jour le 16-09-2013 à 11h59
Un jour, je m’en irai sans en avoir tout dit", proclame le dernier livre de Jean d’Ormesson. Tout dit de quoi ? De son émerveillement devant le monde, du miracle de l’existence, du bonheur et des souffrances, de la beauté d’un andante de Mozart, d’un vers de "Bérénice", de la nuit qui descend sur le Grand Canal. Bref, de ce qui compte plus que l’argent ou la gloire…
Une longue remémoration de ses années d’enfance au domaine de Plessis-lez-Vaudreuil, chez son grand-père, avec ses rites et ses archaïsmes, accroît son sentiment que tout passe : les événements, les livres, les sentiments, les idées. "Le nouveau à peine né est déjà une vieillerie. Le moderne est hors d’âge et déjà dernière nous… Nous sommes des écureuils qui courent de plus en plus vite et dans une roue sans fin et qui se mordent la queue." Qu’on n’imagine pas qu’il pleure sur tout cela. "Je m’arrange de mon époque comme je m’arrange d’être au monde." Il en parle même avec humour. Comme lorsqu’il découvre dans un magazine deux petits-neveux, déguisés en diables, sur un char de la gay-pride !
Comme jamais auparavant, il célèbre son amour pour une "Marie" aimée à quinze ans, perdue par son mariage avec un autre, retrouvée après son divorce : depuis ce moment, ils ne se sont plus quittés. De cet amour, comme d’ailleurs de tout, il parle d’une plume charmeuse qui fait chanter une langue française où passent comme des échos de La Fontaine et de Chateaubriand, ce français qui est en train de se perdre dans le naufrage de la syntaxe et de la mémoire.
Pour finir, Jean d’Ormesson espère mourir dans la religion catholique. Mais Dieu existe-t-il ? "Je crois que Dieu est un Dieu d’amour et que l’amour est la clé secrète et le ciment de l’univers." Cette profession n’est pas une réponse, elle est un acte de foi et d’espérance.
Jacques Franck
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit Jean d’Ormesson Robert Laffont 260 pp., env. 21 €