Le roman le plus “jubilatoire” de la rentrée
“Au revoir là-haut” de Pierre Lemaitre est un formidable roman avec des personnages inoubliables. Comment deux rescapés de la Grande Guerre, des gueules cassées, ont le projet d’escroquer la France.
Publié le 27-09-2013 à 07h21 - Mis à jour le 08-01-2020 à 14h39
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Au revoir là-haut” est la belle surprise de cette rentrée littéraire. Un gros roman épatant et jouissif, jubilatoire à l’image de son auteur. Un livre éclairant aussi, qu’on ne lâche pas avant de l’avoir terminé. Les jurés de six prix littéraires ne se sont pas trompés en le plaçant dans leurs listes (Goncourt, Renaudot, Femina, Interallié, Giono, prix du style).
Pourtant, l’histoire est extrêmement tragique. Elle raconte l’aventure de deux rescapés de la Grande Guerre, des poilus sortis la gueule et l’esprit cassés par l’horreur. Juste avant l’Armistice, ils sont touchés dans des circonstances scabreuses par un obus allemand et eux, qui ne se connaissaient pourtant pas, vont mutuellement se sauver et rester ensemble par un devoir de survivants. Albert Maillard est un jeune homme très simple, ancien comptable, dépassé par ce qui lui arrive. Edouard Téricourt est le fils exubérant et artiste d’un très gros industriel. Mais Edouard a tout le bas du visage arraché par l’obus et réduit à n’être plus qu’un trou puant, qu’il refuse de voir colmaté par les chirurgiens.
Ils vont échapper aux radars de l’armée et monter une escroquerie géniale et folle aux monuments aux morts. On croise, dans le roman, Aulnay-Predelle, issu de l’aristocratie désargentée, lieutenant trompe-la-mort, sans scrupule, et ambitieux gendre du très riche Téricourt. On croise ce dernier, nabab encore enrichi par la guerre. Et Merlin, le petit fonctionnaire, jaune, sentant le vieux poulet, et qui vient surveiller les comptes. Tous sont des personnages formidables qui donnent la chair du roman. On n’en dira pas plus, pour laisser le plaisir du suspense et de la belle écriture au lecteur.
Pierre Lemaitre apparaissait pourtant comme un outsider dans la course aux prix littéraires. Né en 1951 à Paris, il gagna sa vie en organisant et donnant des formations à la pédagogie et à la communication vers des collectivités locales, dans lesquelles la littérature (celle qu’il aime) jouait un grand rôle. Il ne publia son premier roman, un roman noir policier, qu’à 55 ans seulement mais avec un beau succès et déjà plusieurs prix. Avec ce roman-ci, il quitte le policier pour le roman historique, avec une réussite totale, entamant, à 62 ans, une nouvelle carrière. A le voir disert, jubilatoire, heureux, on se dit qu’on aura encore souvent l’occasion de le lire. Tant mieux.
Rencontre avec l'auteur de "Au revoir là-haut" dans La Libre Belgique en PDF