Jamais si bien rêvé que par soi-même
Rêver sa biographie ou biographier ses rêves, telle est la question que pose David B.
- Publié le 30-09-2013 à 05h40
- Mis à jour le 30-09-2013 à 14h07
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La silhouette qui s’étend en travers de la couverture est familière. "Les Incidents de la nuit, t. 2", nouveau livre de David B., est intimement lié aux six volumes de "L’Ascension du haut mal", publié entre 1996 et 2003. Le souvenir de ceux-ci demeure intense. Confronté à la nécessité de dessiner l’épilepsie s’emparant de son frère, David B. n’esquiva aucune des multiples souffrances vécues par une famille menacée par la mort, par la maladie ou, plus largement encore, par la perte d’équilibre.
L’invasion de la maladie n’est pas la seule empreinte laissée par l’ "Ascension". Le temps passé à jouer, à endosser des rôles, à revivre d’épiques batailles, à improviser d’interminables aventures, à dévorer des livres subsiste également. Une complicité dont l’univers est nourri d’Histoire autant que de mythologie. Un contraste avec les perturbations qui s’immiscent inéluctablement dans leur imaginaire commun.
"Les Incidents de la nuit" est, d’ailleurs, le nom d’une revue étrange, "consacrée à la politique occulte, aux mystères liés à l’histoire de l’humanité". Elle est apparue en rêve à David, qui en retrouve la trace dans son monde réel. Ce monde, c’est le Paris fantasmé de deux frères. Sont convoqués des personnages sombres, des criminels éternels, des fantômes.
Des enquêteurs, aussi. Car David a disparu. Parmi les limiers, son frère Jean-Christophe se démène, glissant au passage qu’il "profite d’une rémission de sa maladie". Il délivre sa connaissance des arcanes de la capitale française et en expose la structure invisible, reposant sur 20 librairies, une par arrondissement. Il détaille avec emphase le fonctionnement si particulier de chacune d’entre elles, de celle dont les portes ne sont jamais ouvertes à celle où un golem de papier fabrique chaque nuit des ouvrages alambiqués aux auteurs inconnus.
"Les Incidents de la nuit", c’est cette imagination que David a admirée chez son frère, avant qu’elle ne l’effraie, lorsqu’elle alimentait ses délires jusqu’à l’anéantir. Un récit passionnant. Une fiction qui questionne. Des dialogues qui éclairent les relations telles qu’elles se nouent ou se tendent face à l’adversité.
Gilles Milecan
Les Incidents de la nuit David B. L’Association 96 pp., env. 13€