Astérix est de retour avec des changements

C’est l’événement de l’année, si ce n’est de la décennie, en bande dessinée."Astérix chez les Pictes", qui sortira fin octobre, sera le premier album de la série cosigné par d’autres auteurs que ses créateurs

Olivier le Bussy
Astérix est de retour avec des changements
©D.R.

C’est l’événement de l’année, si ce n’est de la décennie, en bande dessinée. "Astérix chez les Pictes", qui sortira en librairie le 24 octobre prochain, sera le premier album de la série cosigné par d’autres auteurs que ses créateurs, le regretté René Goscinny et le vénérable Albert Uderzo. A charge du scénariste Jean-Yves Ferri et du dessinateur Didier Conrad, sélectionnés dans le plus grand secret parmi une vingtaine de candidats, de reprendre le flambeau d’une des plus mythiques séries de la bande dessinée francophone.

Les aventures d’Astérix auraient pu se terminer en queue de poisson. Depuis le décès du génial Goscinny, en 1977, Uderzo présidait seul aux destinées de la série. Formidable dessinateur, le Français n’était, hélas, pas un scénariste de la même trempe. La série n’avait cessé de baisser en qualité jusqu’à toucher le fond, en 2005, avec un accident industriel au titre prémonitoire : "Le Ciel lui est tombé sur la tête". Après 70 ans de carrière, Uderzo avait décidé d’en rester là, et d’envoyer le petit Gaulois et son épais compère Obélix à la retraite.

Secret défense

Sauf qu’Anne Goscinny, fille de René, ne l’entendait pas de cette oreille, pas plus qu’Hachette, qui venait de racheter les éditions Albert-René, propriétaire de la lucrative série. Fut donc lancée une vaste opération, secrète, de recrutement de nouveaux auteurs. Ou plus exactement d’un scénariste, étant entendu que Frédérik Merbaki, collaborateur d’Uderzo depuis 30 ans, reprendrait le dessin.

L’Ariégois Jean-Yves Ferri, scénariste du poilant "Retour à la terre" (dessiné par Larcenet) fut du lot des scénaristes contacté par l’éditeur. "J’ai reçu un appel secret, suivi d’un rendez-vous où l’on m’a proposé d’écrire un script pour Astérix", a expliqué Ferri, vendredi, à Bruxelles. "J’ai accepté en pensant que ce n’était pas gagné. En même temps, on ne reçoit pas une telle proposition tous les jours". Le projet est classé secret défense : Ferri ne peut en toucher mot à quiconque. Le scénariste envoie le script "d’Astérix chez les Pictes", une population de l’Ecosse antique. Celui-ci est lu "à l’aveugle" par un comité de sélection, comme ceux d’une dizaine d’autres candidats. Et retenu. Nous sommes en juillet 2011. Habitué des strips et des récits courts, Ferri se frotte pour la première fois à l’exercice de l’histoire en 44 pages. Avec, toujours à l’esprit la question : "Est-ce que ça sonne comme un Astérix ?". Tout l’art est "de savoir distribuer les effets et les gags", commente le scénariste. "Quand Astérix était publié chaque semaine dans "Pilote", la caractéristique était qu’il y avait un gag à la fin de chaque page ou double page, pour tenir le lecteur en haleine et offrir des rebondissements."

Les yeux d’Astérix, les braies d’Obélix

L’affaire semble sur les rails, mais Merbaki qui connaît les personnages par cœur pour les avoir beaucoup dessinés à des fins de marketing affiche ses limites en tant qu’auteur de bande dessinée. Il faut donc trouver un autre dessinateur.

Comme il était prévu à l’origine que Merbaki ne dessine qu’un seul album, Didier Conrad, dessinateur des "Innommables", du "Piège malais" et de "Raj" avait déjà été contacté, tout aussi secrètement que Ferri. "J’ai fait un test, je savais que je n’étais pas le seul sur les listes, il y avait un peu de compétition", se rappelle Conrad. Qui, comme Ferri, estime que la reprise d’Astérix "ne se refuse pas". D’autant que Conrad a déjà prouvé qu’il était capable de chausser les bottes de Morris (pour "Kid Lucky") et de Franquin ("Marsu kids"). Excusez du peu.

La tâche, cependant, va s’avérer beaucoup plus difficile que ce que Conrad avait anticipé. "J’avais fait une interprétation assez libre des personnages, mais on m’a fait comprendre qu’on désirait quelque chose de plus proche de l’original", témoigne Conrad. "J’ai transpiré pour faire deux demi-pages et quatre dessins basés sur le script de Ferri. Uderzo les a vus et a dit : "Là, il y a quelque chose. On m’a alors informé que je dessinerais le 35e album d’Astérix et que j’avais huit mois pour le faire". Conrad reçoit le script et le story-board de Ferri. "Uderzo m’a corrigé les 2-3 premières planches, mais sans me donner de réelles indications. Si ce n’est que les yeux d’Astérix étaient trop petits, qu’il manquait le blanc dans la pupille, ou qu’il y avait trop de rayures sur les braies d’Obélix. Ce qu’il me disait était très intuitif. Je devais moi aussi, être dans l’intuition. Mais il y a énormément de détails dans une planche d’Astérix et malgré le fait que je sois un dessinateur "à l’ancienne", il m’a fallu de l’entraînement pour m’approprier le style d’Uderzo".

En dehors d’un cercle très restreint, personne n’a encore pu lire "Astérix chez les Pictes". Le pedigree des auteurs (qui ne peuvent pas faire pire que l’album précédent) est en principe gage de qualité. Uderzo est ravi du résultat, dit-on. "Il nous a laissés libre. Il fallait d’abord gagner sa confiance", confesse Ferri. Ne reste plus qu’à obtenir celle des millions de lecteurs d’Astérix.

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