Hors du monde des hommes

Sous la plume d’Alan Heathcock, les habitants d’une petite ville imaginaire de l’Amérique profonde affrontent leur destin tant bien que mal. Où la violence est omniprésente. Et la compassion, à portée de main.

Geneviève Simon
Hors du monde des hommes
©Gamma

Le prix Nobel qui vient d’être attribué à Alice Munro aura­t­il la vertu d’attirer un nouveau public vers la nouvelle, ce genre exigeant et sou­vent méconnu? C’est tout le bien qu’on souhaite à un auteur comme Alan Heathcock, dont “Volt”, un premier recueil de huit nouvelles préfacé par Donald Ray Pollock, vient d’être traduit en français. Entre violence et rédemption, il y retrace les destins de plusieurs habitants de Krafton, petite ville imagi­naire de l’Amérique profonde. Où un horizon trop bas incite à la fuite, loin d’un passé insurmontable, d’absence de perspectives, d’actes irréparables. Là, des adultes s’égarent sciemment, des enfants dispa­raissent, des jeunes prennent de mauvaises décisions, d’autres croient que la guerre peut donner sens à leur vie. Pourtant, malgré leurs erreurs et leurs travers, tous gardent une étincelle qui ne demande­ rait qu’un volt pour exploser et prouver qu’ils peu­vent aussi le meilleur.

Dans les escaliers de la maison de Sadie etWinslow, demeurent au mur ces clous auxquels étaient accro­chées les photos de Rodney, leur jeune fils. Au volant de son tracteur, Winslow n’avait pu le voir appro­cher. Désemparé face à une culpabilité qui l’étouffe, il décide de prendre une journée pour ordonner ses idées. Il errera pendant des semaines sans trouver la paix (“Le train de marchandise”). Devenue malgré elle gardienne de la paix, Helen doit enquêter sur la disparition d’une adolescente. Ne pouvant se résou­dre à annoncer la vérité aux parents, elle décide de rendre justice elle­même, à sa manière (“Gardienne de la paix”). Plus loin, elle donnera sa chance à un jeune que le marshall souhaite arrêter (“Volt”). Aimer sa fille alors qu’elle a commis l’innommable, c’est pour Miriam une évidence (“La fille”).

A Krafton, au­delà de l’irréparable dépeint sous des traits souvent inquiétants, parfois bibliques, des mains se tendent, des êtres retrouvent quelque hu­manité. D’une écriture puissante, parfois poétique, Alan Heathcock donne corps à un univers âpre où la nature est omniprésente, terre où les inondations peuvent tout balayer, gommant les préoccupations et les émotions dans un mouvement qui révèle aux êtres leur impuissance.

Volt / Alan Heathcock / traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Olivier Colette / Albin Michel / 297pp., env. 23€

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