Réenchanter la France

Alexandre Jardin publie un manifeste invitant la société à sortir du cadre. Il rend hommage à Guitry, de Gaulle et Casanova, ses pères spirituels.

Camille de Marcilly
Guerre 39-45: le Général de Gaulle à Toulouse, le 16 septembre 1944 Guerre 39-45: le Général de Gaulle à Toulouse, le 16 septembre 1944
Guerre 39-45: le Général de Gaulle à Toulouse, le 16 septembre 1944 Guerre 39-45: le Général de Gaulle à Toulouse, le 16 septembre 1944

Ce drôle de zèbre d’Alexandre Jardin est un écrivain anticonformiste mais aussi un homme d’action. Si "tout commence avec un livre" à ses yeux, cela fait plusieurs années qu’il s’investit pour la société civile au sein de ses associations, dont Lire et faire lire qui rassemble 14 000 retraités partageant leur plaisir de la lecture dans les écoles et luttent ainsi contre l’échec scolaire. "Pour moi, c’est ça la vraie politique", explique l’auteur de "Mes trois zèbres" où il célèbre des "rebelles-nés", des "hommes qui sont allés jusqu’au bout et ont montré jusqu’où pouvait mener l’auto-création". Charles de Gaulle pour son esprit de défi, Giacomo Casanova, en grand jouisseur, et Sacha Guitry pour son art de jouer de tout, forment un trio de pères spirituels érigés en modèles par Alexandre Jardin. "Ils ont un potentiel de joie extraordinaire. Aujourd’hui, la France se défigure, elle n’est plus elle-même. Il faut que la joie redevienne un mot français. Je suis optimiste parce qu’on a la chance d’être dans un cul-de-sac. Sans homme providentiel, il va donc falloir inventer un peuple providentiel." Se prendre en main, être acteur de sa propre vie, saupoudrer le quotidien de magie, tel est l’appel de l’écrivain qui a inventé le charlisme, issu du prénom de Charles de Gaulle (notre photo), parti politique sans organisation mais à l’idéologie humaniste. "C’est très imprudent d’attendre quoi que ce soit d’un chef de l’Etat ou je ne sais qui. Dans le cas de Charles mais pour les deux autres aussi, il croit qu’on peut se prendre soi-même comme point d’appui même quand tout fout le camp, même quand ça semble complètement fou. C’est une manière d’être en dehors des clous, hors cadre. Tous les dézébrés qui nous gouvernent raisonnent dans le cadre."

S’il n’envisage pas pour l’instant se présenter à l’élection présidentielle en 2017 ("parce que cela suppose la mise en avant de son petit ego et c’est extrêmement contraire au charlisme"), Alexandre Jardin estime que "nous entrons dans un fracas de révolte. La question est de coaliser la société civile pour qu’elle puisse, en s’organisant, prendre le relais de partis politiques discrédités. Il faut donner du pouvoir à la société, il faut l’encharliser". Et de donner un exemple : "Madame Debue, élue municipale dans le Vaucluse, s’est aperçue que les gens de sa commune ne pouvaient pas se payer de mutuelle santé. Elle a groupé 240 familles, a fait entrer en concurrence 15 mutuelles et a obtenu un tarif accessible. Elle est sortie du cadre".

Ces gens qui n’attendent pas que les initiatives viennent d’en haut, Alexandre Jardin en rencontre chaque jour, il y a donc plus de zèbres qu’on ne le croit. "Ils sont très nombreux mais invisibles. Notre système médiatico-politique est obnubilé par la petite phrase et pas par l’action de madame Debue. Ce sont pourtant ces leaders qui m’intéressent : ils n’ont rien promis mais déjà fait".

D’une écriture enchanteresse, les hauts faits de Casanova, Guitry et de Gaulle sont contés pour montrer leur "capacité d’allumer des rêves". A l’heure où Alexandre Jardin "n’a plus l’âge d’être sage", il espère que le peuple français prenne un nouveau tournant. "L’universalisme français a du sens et cela suppose d’en être digne. C’est un pays qui se resserre et toutes les fois où on oublie la part d’universalisme, on trahit l’identité de ce pays".

Mes trois zèbres Alexandre Jardin Grasset 336 pp., env. 20 €


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