Tim Gautreaux: D’une guerre à l’autre
Alors que l’on s’apprête à commémorer tous azimuts le début de la Grande Guerre, Tim Gautreaux conte ses ravages via une destinée. Où un homme tente de sauver son frère, par-delà ce qui les sépare.
- Publié le 25-11-2013 à 05h38
- Mis à jour le 25-11-2013 à 10h44
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Le dernier arbre est le premier roman de Tim Gautreaux (Morgan City, 1947), professeur émérite d’anglais à la Southeastern Louisiana University, à être traduit en français. On y plonge dans la torpeur sudiste, les marais gorgés de boue, les forêts généreuses, mais pas seulement. A la demande de son père, puissant négociant en bois de Pittsburgh, Randolph se rend à Nimbus, petit territoire isolé situé non loin de La Nouvelle-Orléans et qui n’est relié à la civilisation que par quelques kilomètres de voie ferrée gauchie. Il doit y diriger une exploitation de cyprès. C’est là que se terre Byron, son frère revenu de la Grande Guerre l’âme en cendre. Son père l’a poussé à s’engager, pour la fierté de la famille. Mais personne ne comprendra l’étendue du désarroi de celui qui a combattu à Verdun. Patiemment, amoureusement, Randolph va tenter de retrouver en Byron le grand frère qui lui a appris à patiner et à monter à cheval. Un homme qui, pour affronter ses traumatismes, se réfugie dans le whisky et les complaintes irlandaises qu’il écoute sans répit.
A Nimbus, les hommes travaillent tels des bêtes. Aussi aiment-ils se désaltérer au saloon que des Siciliens dirigent (de loin). Mais l’alcool y sème la violence. On ne compte plus les balafres, les blessures par balle, fatales parfois. Dans ce coin perdu où la vie est précaire ne vivent ni femmes ni enfants, qui permettraient d’adoucir une atmosphère de tension et de brutalité. Qui va croître avec les menaces et les méfaits des Siciliens. Vis-à-vis desquels il est malaisé de s’opposer. Randolph et Byron, qui est chargé de faire respecter la loi et l’ordre à Nimbus, l’apprendront à leurs dépens.
Majestueux, le cyprès offre un bois éternel. Comme le sont les guerres - Byron est passé de l’affrontement militaire à une lutte avec la mafia. Tuer un homme pour en sauver un autre, c’est toujours tuer un homme. L’acte de tuer est-il lui-même un châtiment ou Dieu réservera-t-il à Byron une autre punition ? Parti d’un microcosme situé nulle part, Tim Gautreaux signe un roman ample, âpre et généreux, qui embrasse les thèmes du racisme, de la guerre, de la fraternité. Une patiente remontée vers la lumière.
Le dernier arbre Tim Gautreaux traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Paul Gratias Seuil 411 pp., env. 22 €.