Le centenaire de Marguerite Duras
Décédée à Paris le 3 mars 1996, elle est lue dans le monde entier.
Publié le 16-12-2013 à 05h38 - Mis à jour le 17-12-2013 à 18h04
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En vue du centenaire de la naissance de Marguerite Duras (le 4 avril 1914 à Gia Dinh, dans la banlieue nord de Saigon), les éditeurs sont sur le pont : il est vrai que la scénariste/dialoguiste de "Hiroshima mon amour" (d’Alain Resnais, en 1959) reste l’un des écrivains français les plus lus dans le monde puisque traduite dans des dizaines de langues.
A tout seigneur, tout honneur : Alain Vircondelet - qui lui a déjà consacré sept ouvrages - est unanimement reconnu comme l’un des spécialistes les plus pénétrants du parcours de M.D. On ne peut donc qu’applaudir la nouvelle édition, revue et augmentée, de sa biographie sous-titrée "La traversée d’un siècle" : une étude majeure, parue originellement chez François Bourin (cf. LLB du 24 octobre 1991). "De toutes les biographies que j’ai pu écrire, celle que j’ai consacrée à Marguerite Duras m’a paru la plus difficile, la plus douloureuse mais aussi la plus exaltante à accomplir", observe-t-il dans son avant-propos rédigé en juin 2013, où il suggère que Duras "était bien un de ces écrivains dont l’origine remonte aux premiers temps de l’écriture, au cri originel, aux prophéties". Nous ne pouvons qu’inciter le lecteur à (re)découvrir ce livre passionnant, dû à un essayiste érudit qui, depuis sa première étude sur Duras (parue aux Editions Seghers en 1972, année aussi où M.D. préfaça "Poèmes pour détruire", recueil d’Alain Vircondelet publié par Pierre-Jean Oswald), n’a cessé d’explorer et de lumineusement commenter le pays-fleuve auquel le poète, critique et mémorialiste Claude Roy donna le nom de Durasie.
Dans cette édition nouvelle, Alain Vircondelet n’omet rien sur la Duras des dernières années, "particulièrement ses ambiguïtés, ses obsessions, ses brutalités, son ressentiment contre l’homosexualité, mais aussi ses abandons et ses faiblesses". Un livre phare.
Signalons, par ailleurs, la réédition par les soins des Editions Thierry Magnier, de "Ah ! Ernesto", seul livre jeunesse de Duras (illustré par Bernard Bonhomme), paru à la même enseigne en 1971 (aujourd’hui : nouvelles illustrations par Katy Couprie, env. 14,50 €). Simultanément, avec le soutien de l’Imec, cet éditeur publie joliment l’album "Ah ! Duras" qui retrace, avec documents à l’appui, la genèse de ce livre pour enfants (env. 14,50 €).
Enfin, recommandons l’ouvrage (à la riche iconographie) de Laetitia Cénac, journaliste et grand reporter au service culture de "Madame Figaro", à qui l’on devait notamment "Gala Dali, égérie de l’art moderne", sorti à La Martinière en 2012. Voilà un travail panoramique et apéritif, où l’auteure, pas hagiographe mais pas iconoclaste non plus, éclaire Duras et son œuvre "immense, riche, diverse, illimitée" naguère entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade (déjà deux volumes sur les quatre prévus). La vie et les multiples facettes de la réalisatrice de "India Song" (avec Delphine Seyrig), de la romancière de "Moderato cantabile" et du "Ravissement de Lol V. Stein", trop tardive lauréate en 1984 du prix Goncourt pour "L’Amant" - vendu à 2,5 millions d’exemplaires - se voient resituées dans cet ouvrage qui oriente ses projecteurs sur celle qui "était persuadée d’être le premier grand écrivain français, jouant de sa voix, de ses silences, écrivant au plus juste, au plus près, toujours retranchant, épurant". Portrait d’un auteur controversé, qui a "fictionné" sa vie "jusqu’à détruire toute frontière entre fiction et réalité, créant un seul monde, une espèce de fictalité". Ecrire, dit Laetitia Cénac, était "sa raison de vivre ou plutôt de ne pas mourir".
Duras. La traversée d’un siècle Alain Vircondelet Plon 432 pp., env. 21,90 €
Marguerite Duras. L’écriture de la passion Laetitia Cénac Editions de La Martinière 216 pp. ill., env. 32 €