Une année de tous les diables

Kroll et Plantu croquent avec délices leurs rois et présidents respectifs.

Eric de Bellefroid
Une année de tous les diables

Il nous souvient, au temps de notre enfance, que les feutres et les crayons gras étaient toujours secs et exsangues. Il n’y avait, la plupart du temps, jamais rien moyen d’en tirer. Que cela n’arrive-t-il aux caricaturistes Kroll ou Plantu, Clou ou duBus, dont les portemines crachent le feu à tout va ?

Témoin, le nouvel album de Pierre Kroll, cadeau providentiel de fin d’année, qui affiche les petits dessins 2013 parus dans "Le Soir", "Ciné Télé Revue" et "Mise au Point" de la RTBF. Les meilleures flèches décochées au fil de l’année - y compris celles qui vinrent à être censurées - se trouvent ici réunies pour former un magnifique tableau ludique et didactique de l’actualité égrenée pendant ce laps de temps.

Celui-ci, en l’espèce, fut-il fertile ? Pierre Kroll ne cherche pas à s’en plaindre, qui eut du grain à moudre sur le double front du Palais et du Saint-Siège. Ainsi du reste assoit-il le roi Albert II et le pape Benoît XVI côte à côte sur un banc public, qui flanqué de sa canne, qui de sa crosse. Le temps d’une retraite bien méritée, quelque peu assombrie quant à l’ancien Roi par la réduction des dotations. A quel égard, la reine Fabiola n’est guère épargnée, si l’on ose dire.

Bien entendu, comme l’illustre notre dessin ci-contre, l’avènement du roi Philippe nous vaut un morceau de bravoure de l’artiste, qui se nourrissait depuis longtemps d’ailleurs des doutes et soupçons que quelques malveillants, probablement, faisaient peser sur le nouveau Souverain. Celui-ci étant par ailleurs, comme il nous a semblé deviner, le demi-frère d’une jeune dame nommée Delphine, qui assure même la couverture de l’album, déguisée (!) en "femen", c’est-à-dire en pasionaria des temps modernes.

Au même moment, Jean Plantu, dessinateur vedette du "Monde", publie lui aussi un recueil de l’année extrêmement varié, tout teinté qu’il soit d’une nostalgie de l’époque Sarkozy, qui était pain bénit il est vrai. Et cependant, l’actuel résident de l’Elysée n’est pas toujours si triste au volant de sa Citroën deux-chevaux, dont les mécomptes et pas de clerc suffisent à alimenter une chronique assez haute en couleur. Plantu n’aura pas été long à camper son personnage.

C’est peu dire que les journalistes qui n’ont pas le talent du crayon sont toujours un peu jaloux de leurs confrères à phylactères et, proportionnellement, de leur immense liberté d’expression. Quel plumitif aurait l’audace, par le texte, de suggérer comme Kroll que les clients des banques doivent choisir entre un compte à vue, un compte d’épargne et un comte Lippens ?

On s’en souviendra Pierre Kroll Renaissance du Livre 96 pp., env. 20 €

Sarko, sors de ce corps !! Plantu Seuil 192 pp., env. 18 €

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