Voyage au pays du cinéma

Denis Podalydès publie “Fuir Pénélope”, un premier roman en hommage à la langue et au 7e art.

Camille de Marcilly
Michelangelo Antonioni et Monica Vitti sur le plateau du film L'avventura en 1960 italian film maket Antonioni and actress Monica Vitti on set of film The Adventure 1960 robe a carreaux check checked skirt ©Rue des Archives Paris France
Michelangelo Antonioni et Monica Vitti sur le plateau du film L'avventura en 1960 italian film maket Antonioni and actress Monica Vitti on set of film The Adventure 1960 robe a carreaux check checked skirt ©Rue des Archives Paris France ©Rue des Archives / REPORTERS

Cela commence par une scène délicieuse. Sur un chemin dégagé, au volant de la voiture de l’auto-école, Gabriel se sent irrémédiablement attiré par "l’arrière-train d’une 2CV" dans laquelle il s’encastre allègrement sous le regard affligé de son maître de conduite. Quelle victoire quand, après plus d’une cinquantaine d’heures de cours au côté d’un professeur soupirant, le voici titulaire du permis ! A lui la liberté mais, surtout, le premier rôle d’un film grec, un road movie où l’art de conduire une voiture est une condition sine qua non.

Après trois essais dont "Voix off" (Mercure de France) couronné du prix Femina en 2008, Denis Podalydès signe "Fuir Pénélope", un premier roman où l’on retrouve son amour de la lecture et de la langue avec une belle écriture fine dont chaque mot compte. Sociétaire de la Comédie-Française, acteur de cinéma, scénariste, metteur en scène, Denis Podalydès affirme désormais son talent d’écrivain.

Le jeune Gabriel ressemble beaucoup à Denis Podalydès : un physique presque banal, de grands yeux ronds, une formation théâtrale, un frère ayant une importance capitale dans sa vie. Gabriel est donc engagé pour un premier rôle au cinéma. Le film, tourné en Grèce, en Italie, dans le Sud de la France et en Espagne, constitue non seulement un bond pour sa carrière mais surtout l’échappatoire parfaite pour fuir Marianne, son ex-compagne dont il est toujours amoureux. Accompagné de sa méthode Assimil et de "tout Rabelais", Gabriel s’intègre peu à peu à l’équipe grecque dont il qualifie chaque personne d’adjectifs mythologiques et théâtraux. "Juan l’Obscur", le réalisateur, "Yorgós le Bouillant", "Angeliki la Sage" et "Themis la Superbe", sa partenaire de jeu, principal personnage féminin. S’il s’agit du premier rôle au cinéma de Gabriel qui découvre avec fascination le Septième art mais aussi l’interminable attente sur les plateaux, les multiples réglages techniques, le jeu sans relief à ses yeux, le plus neutre possible, c’est aussi le premier film de Juan, le réalisateur. Ancien assistant d’Angelopoulos, ce Grec au tempérament sombre et versatile a pour maître Antonioni (photo, aux côtés de Monica Vitti) et son fameux plan à 360°.

À l’instar de ces balbutiements cinématographiques, Gabriel livre son aspiration à une vie amoureuse stable, bien éloignée de la réalité, mais ce sont les confidences du jeune comédien sur le jeu d’acteur qui donnent toute sa saveur au roman. À propos de sa personnalité, à la fois intelligente et imbécile : "Ce n’est pas une bêtise inerte, passive, de celle qu’on lit dans un regard éteint. Elle sait s’employer, se reconnaître dans les autres, pactiser avec le bon sens et se fondre dans une normalité confortable. Être acteur est presque idéal. C’est le meilleur masque."

Avec "Fuir Pénélope", teinté d’une douce langueur, sans suspense ni réelle fin, Denis Podalydès célèbre les mots susurrés du cinéma et ceux prononcés d’une voix forte du théâtre. Un beau voyage mélancolique.

Fuir Pénélope Denis Podalydès Mercure de France 278 pp., env.18,80 €

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