Thomas Mann au cœur du XXe siècle

Une réédition de romans de son fils Klaus et un zeste de Romantisme vagabond.

Jacques Franck
Thomas Mann (1875-1955) ecrivain allemand, laureat du prix Nobel de litterature en1929 --- Thomas Mann (1875-1955) german writer, he won literature Nobel prize in1929 Reporters / Rue des Archives *** Local Caption *** Thomas Mann (1875-1955) german writer, he won literature Nobel prize in1929
Thomas Mann (1875-1955) ecrivain allemand, laureat du prix Nobel de litterature en1929 --- Thomas Mann (1875-1955) german writer, he won literature Nobel prize in1929 Reporters / Rue des Archives *** Local Caption *** Thomas Mann (1875-1955) german writer, he won literature Nobel prize in1929 ©Reporters / Rue des Archives

Le livre n’est pas gros, mais du plus vif intérêt : il est le premier consacré en français à la vie et à l’œuvre de Thomas Mann depuis… 1974. Or, l’auteur de "La Mort à Venise" n’apparaît pas seulement de plus en plus comme le plus grand romancier allemand du XXe siècle, son œuvre demeure une des plus lues en Allemagne comme à l’étranger : quelque 3 500 traductions dans 51 langues de 58 pays.

L’intérêt qu’elle suscite doit beaucoup, me semble-t-il, à ce que sous la majestueuse apparence des thèmes philosophiques, sociologiques, historiques traités ("Les Buddenbrook", "La Montagne magique", "Joseph et ses frères", "Dr. Faustus"…), courent des veines sulfureuses d’homosexualité, d’érotisme, d’inceste, de mort, se lisent des contestations de l’ordre établi, se creusent des distanciations ironiques de l’auteur avec lui-même. Autant de facteurs qui font sa richesse et sa modernité.

Sous ses dehors de grand bourgeois, Mann couve des tentations et des vertiges qu’il surmonte par l’écriture ("Je n’ai jamais tenu le bonheur pour quelque chose de facile et de gai…") - le Dr Aschenbach de "La Mort à Venise" en est un bon exemple. Par ailleurs, il n’a jamais hésité à reconnaître une erreur d’appréciation ou à modifier un point de vue, comme lorsqu’il s’est rallié à la République de Weimar, contrairement à tant d’écrivains de droite ou de gauche, ou lorsque, contrairement à la plupart des exilés antinazis, il refusait de distinguer entre bons et mauvais Allemands : "Il n’y a qu’une seule Allemagne, dont ce qu’elle a de meilleur a tourné au pire par une ruse diabolique".

C’est cet écrivain complexe et secret que Maurice Godé, professeur émérite à l’université Paul-Valéry de Montpellier, éclaire et raconte, en guide averti à travers les débats d’idées qui ont agité le dernier siècle. Cet essai a paru dans la collection "Voix Allemandes" (éditions Belin) qui se recommande à ceux que la culture germanique intéresse.

De leur côté, les éditions Grasset ont réuni cinq œuvres de Klaus Mann (1906-1949), brillant fils de Thomas mais comme entravé par l’ombre portée de son père. Dès l’âge de 19 ans, il fit sensation avec "La Danse pieuse" dont la thématique homosexuelle fit scandale. A rebours de son image de dandy décadent, il fut un des premiers en Allemagne à dénoncer le danger nazi. Après l’arrivée de Hitler au pouvoir, il publia un formidable roman, "Mephisto" (1936), qui dénonçait la compromission d’un célèbre acteur avec le régime : un documentaire sarcastique sur la vie berlinoise à l’époque. Puis, "Le Volcan" (1939), chronique romancée de la vie souvent difficile des intellectuels allemands, souvent juifs, réfugiés à l’étranger.

Les trois ouvrages cités sont complétés par "La Symphonie pathétique", une évocation de la vie et de la musique de Tchaïkovski, avec qui Klaus se sentait de grandes affinités; et par "Fuite au Nord", récit d’un voyage en Finlande et dans le Grand Nord. Style nerveux et art de "croquer" un visage ou une situation rendent Klaus Mann extrêmement vivant.

Aux éditions Les Belles Lettres, existe une "Bibliothèque allemande" qui publie des textes marquants de la culture germanique : "La Dramaturgie de Hambourg" de Lessing, "Ecrits sur le théâtre" de Schiller, œuvres de Stefan George, etc. Vient d’y paraître "De la vie d’un Vaurien" de Joseph von Eichendorff (1788-1857), bref roman primesautier, prétexte à exposer les idées et les sentiments de cet éminent représentant du Romantisme allemand.

Thomas Mann Maurice Godé Belin 288 pp., env. 17 €

Œuvres romanesques Klaus Mann Grasset 1408 pp., env. 36 €

De la vie d’un Vaurien J. von Eichendorff Les Belles Lettres 124 pp., env. 26 €

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