La puissance d’un sourire
Fable optimiste, le nouvel album de François Place dévoile une vraie sagesse. Laquelle s’acquiert, comme la confiance, en gravissant la montagne.
Publié le 23-01-2014 à 13h20 - Mis à jour le 27-01-2014 à 10h23
:focal(440x227.5:450x217.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/MCDPQV4PN5HM7IHXT5UYEA5NBY.jpg)
Entrelaçant souvent aventures et philosophie, les livres de François Place ressemblent toujours à un parcours initiatique. Dans leur sillage, l’une ou l’autre leçon d’humilité pour nous rappeler combien l’homme s’incline face aux mystères de la nature. Album culte, paru voici vingt-deux ans déjà, "Les derniers géants", couronné de nombreux prix, a marqué la littérature jeunesse. Ses questions sur le besoin de communiquer, quelles qu’en soient les conséquences, restent d’une grande actualité.
Chez François Place, auteur d’une belle profondeur, le secret et l’intime tissent le chemin de l’écrit. Un écrit qui se délie parfois tout au long d’un roman, ou de deux, tels "Le secret d’Orbae", un même récit conté par deux voix, deux points de vue, deux angles différents et complémentaires. Un coffret agrémenté d’un portfolio comprenant 18 illustrations originales grand format méritait bien le prestigieux grand prix de la Foire du livre de Bologne, le Bologna Raggazzi 2012 en catégorie fiction.
On découvre donc avec une joie mêlée d’impatience "Le sourire de la montagne", nouvel album de cet artiste dont le talent n’a d’égal que l’humilité. Et l’on admire ses aquarelles classiques, détaillées, lumineuses, soyeuses parfois. Parcours initiatique à nouveau, semé d’espoirs, de sagesse et de patience, François Place nous enseigne, au cours d’une fable optimiste et spirituelle, à gravir la montagne, la route d’une vie, pas à pas et sans jamais se décourager. On découvre dans cet album combien il importe de gagner peu à peu confiance en soi et on y apprend à ne pas se laisser abattre par les épreuves, les difficultés pouvant souvent être contournées. Or, elles sont nombreuses pour arriver, par exemple, au pays de la Soie, là-bas, de l’autre côté des crêtes.
Pour l’atteindre, en effet, il faut marcher pendant plusieurs mois, survivre aux brigands, traverser un petit royaume niché dans une vallée au pied du col et dont la représentation ressemble à un paradis sur terre. Sans oublier que "Là-haut, très loin au-dessus de ce petit monde, les dieux de la montagne roulent leur sommeil ombrageux". Commence alors une histoire d’hommes mais aussi d’affection et de tendresse entre une petite fille et son grand-père, un roi qui traverse les montagnes pour la première fois à quinze ans et la dernière, à cinquante ans. Il a appris tant de choses au fil des ans, qu’il aime aujourd’hui les transmettre. Il a surtout poursuivi un rêve, inlassablement, même si la montagne lui a pris ses fils et la maladie, le reste de sa famille.
De ses voyages, le vieil homme à la barbe blanche a ramené un dieu bienveillant, qu’il a fait tailler dans la montagne, à force de travail et de patience, et qu’il a absolument voulu doter d’un sourire, l’essentiel détail qui aura été le plus difficile à réaliser. Cette statue grandira au fil des expéditions et de la confiance en soi, explique l’aïeul à sa chère petite fille. Pour réaliser la sculpture, un modèle réduit, une statuette d’une belle délicatesse que la fillette fracassera, inopinément. Mais rien n’arrêtera le grand-père et le sourire d’une statue. Une fable pleine de grâce inspirée par la destruction à l’explosif, en 2001, des grands bouddhas de Bamiyan, en Afghanistan.
Le sourire de la montagne François Place Gallimard jeunesse 48 pp., env. 18 €. Dès 10 ans