Vent de folie au village

La jeune Julie Douard dans une comédie foldingue sur les gens ordinaires. Plongée dans le huis clos claustrophobe d’un village français.

Guy Duplat
Haulme - 24 septembre 2011 Vue sur le village d'Haulme et sur la Semoy. View on the river Semoy and Haulme Credit: JMQuinet/Reporters
Haulme - 24 septembre 2011 Vue sur le village d'Haulme et sur la Semoy. View on the river Semoy and Haulme Credit: JMQuinet/Reporters ©JEAN-MARC QUINET /CIT'images

En littérature française, la comédie burlesque est un genre rare, et rarement réussi. Il existe pourtant un public qui n’attend que cela, comme l’a démontré l’énorme succès de "L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea", de Romain Puértolas.

La jeune auteure Julie Douard, professeur de philosophie dans un lycée de Caen, s’est lancé dans un roman de ce genre sous le titre "Usage communal du corps féminin" sous la couverture blanche P.O.L., souvent réservée à des auteurs aussi merveilleux que Jean Rolin et Emmanuel Carrère.

Burlesque ? Sans doute. Mais, comme souvent, la comédie, le conte, la fable peuvent nous dire bien des choses justes sur notre monde. Tous les personnages sont, ici, des archétypes de personnes qu’on croise autour de nous : le beau parleur un peu facho, la fille timide, la vielle revêche, le vendeur de voitures…

Tout le roman se déroule dans le huis clos claustrophobe d’un village français. Il n’y a pas de trame romanesque proprement dite mais bien des actions des personnages qui s’enchaînent les unes aux autres comme dans ce jeu où des rangées infinies de dominos tombent les uns après les autres dès qu’on renverse le premier (les artistes Fischli et Weiss on fait la superbe vidéo "Le cours des choses" sur ce principe).

Et, au final, tout est chamboulé. Les personnages ont tous évolué, les méchants peuvent gagner et les bons, perdre. Il n’y a ni morale, ni message. C’est comme dans un rêve, peuplé de roi, sorcière et princesse timide.

Il y a Marie Marron, 15 ans. Ses parents sont morts, et elle vit chez sa tante Hortense, vieille et acariâtre. Elle n’est pas très futée et se laisse séduire par les belles paroles de Gustave Machin, ambitieux, réac et sans scrupules.

Gustave veut utiliser Marie pour sa carrière politique et rêve qu’elle remplace Joséphine, la trop laide secrétaire du maire. Mais Joséphine tombe amoureuse de Gustave qui doit, dès lors, la tuer. Gustave n’est pas soupçonné mais, tombé en dépression, il est soigné dans un monastère qui sert de centre de revalidation. Là, non seulement, il reprend des forces mais, avec l’aide de Catherinette, petite nonne qui se prend pour une sainte et qui devient sa maîtresse, il s’empare du monastère et en fait une secte à sa gloire.

Le roman court ainsi, au fil des mots et des actes qui se répondent sans autre exigence que le hasard. Chacun trouve son chemin comme il le peut. Même Josette, la prostituée que chaque homme du village connaît, va gagner le concours des "Miss". La vieille Hortense s’entiche de Rudolph, un escroc qui se dit diplômé de "l’école d’ingénierie providentielle de Lausanne" mais qui ne réussit qu’à détruire toute la maison d’Hortense, et à ses frais.

On croise Maurice, le fils puceau du dentiste, qui a le malheur de choisir la philologie, sujet qui n’intéresse pas les filles qu’il drague et qui ne suscite plus aucune vocation.

On vous passe les autres personnages et les soubresauts souvent confus de leurs vies. Il ne faut pas trop chercher à tout comprendre dans ce village en folie. Juste s’amuser à retrouver, derrière la farce, des profils qu’on connaît autour de nous.

Julie Douard explique que ses personnages sont sortis du néant, ont été façonnés par son inconscient et aboutissent où ils le peuvent. Ils foncent joyeusement vers la catastrophe, avec la poésie d’un cadavre exquis surréaliste. Esprits trop rationnels ou trop pincés, s’abstenir.

Usage communal du corps féminin Julie Douard P.O.L. env. 16,50 €

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