Testament de dernière heure

L’amour de la vie dans une fiction optimiste du philosophe Roger-Pol Droit.

Eric de Bellefroid

Roger-Pol Droit, philosophe-écrivain, critique littéraire au "Monde", est un sage qu’on ne sait jamais où attendre. Auteur, parmi bien d’autres, de "La Compagnie des philosophes" et de "Humain. Une enquête philosophique sur ces révolutions qui changent nos vies" (avec sa compagne, Monique Atlan), il lui arrive même d’être traduit en coréen ou en catalan.

Cette fois, il s’applique à concevoir sa dernière heure, s’abstenant pour la cause d’achever ses phrases pour les étaler à jet continu comme s’il en allait d’une seule et même pensée. Comme en un long poème philosophique. Dans un éloge du génie inventif du délire, vers la fin, il s’exclame ainsi : "J’ai toujours faim des humains, grand appétit de leurs dingueries infinies, ce n’est pas que je les aime à proprement parler, je ne suis pas assez chrétien pour cela, mais je désire sans cesse les surprises effarantes qu’ils inventent à foison […]".

Tout cela serait-il à revivre, il le ferait. Mêmes jouissances, mêmes souffrances. Bien qu’il tienne la vie, en principe, pour une expérience unique et définitive. Et ils le font rire, les philosophes qui poursuivent ce vieux et absurde projet d’"apprendre à mourir". Lui resterait-il au demeurant cinq minutes à vivre, il n’appellerait aucun des hommes du sacré, ni lama ni gourou, pas même un médecin, sauf pour la morphine, au cas où.

Pour Roger-Pol Droit, qui déteste les lamentations, les macérations tristes et la complaisance à se morfondre, vivre et aimer participent d’une même intensité d’existence. "C’est pourquoi, de l’amour, les philosophes n’ont presque rien à dire d’intéressant, […] parce qu’il n’y a en lui, somptueusement, rien à comprendre !"

Fort, comme Montaigne ou Pyrrhon, de la conscience que l’ignorance est l’horizon de notre condition et que la vérité est un leurre, il n’y a rien là, dit-il, qui doive être prétexte à la désespérance.

Si je n’avais plus qu’une heure à vivre Roger-Pol Droit Odile Jacob 99 pp., env. 12,90 €

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