Quel avenir pour la BD ?
- Publié le 24-02-2014 à 06h36
- Mis à jour le 25-02-2014 à 10h27
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Scénariste mythique de la bande dessinée belge, le vétéran Raoul Cauvin a signé quelques chefs-d’œuvre du genre dans notre pays. On lui doit notamment "Les Tuniques Bleues", "L’agent 212" ou encore "Cédric". Cette année, il préside le jury du prix Diagonale. "Mais c’est un président factice que vous avez devant vous", nous confie-t-il. "Je suis arrivé ici un peu par accident car je ne suis, en fait, que président par intérim - en remplacement de Jean Dufaux."
Saturation
Lorsqu’on en vient à évoquer la Foire du livre ainsi que la Comix Factory, Raoul Cauvin est enthousiaste, même s’il s’avoue inquiet pour la nouvelle génération : "Ces concours sont le meilleur moyen de promouvoir de jeunes auteurs. Je ne vois aucun autre moyen. Si on veut parler d’eux, il faut au moins qu’il y ait des associations, des groupements qui parlent de la bande dessinée et à travers lesquels les jeunes auteurs peuvent s’exprimer. Je dois dire que j’ai eu la chance énorme de vivre quand la BD était à son paroxysme, c’était une époque en or. Maintenant, il y a saturation d’albums, ce qui fait que quand un jeune démarre, je lui souhaite bonne chance. Quand je rentrais mes nouveaux albums, il n’y avait que 1500 nouveautés ; maintenant, il y en a 6500 par an. Imaginez-vous le débutant qui rentre son album au milieu de 6500 autres, c’est dur, très dur."
La fracture numérique
Ces dernières années, la bande dessinée a dû faire face à la concurrence du numérique. Une mauvaise affaire aux yeux du scénariste belge : "À la base, je ne croyais pas au numérique. Tenir un album en main, avoir l’odeur du papier, de l’encre et tout ça, c’est important pour moi. Chaque fois que je prends l’avion ou que je me retrouve dans des lieux comme des aéroports, je vois de plus en plus de gens lire sur écran. Je pense que ça va faire un tort énorme à la BD. Tout a changé en quelques années. Mais, pour moi, le numérique ne remplacera jamais totalement le papier. Oui, la bande dessinée traditionnelle a un avenir."
L’avenir des jeunes auteurs
Le virage numérique, les étudiants en bande dessinée sont bien placés pour le ressentir. Gabriel Tardio (24 ans) et Aurélie Gwam (19 ans) étudient la BD à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai, Nathan Dupouy (23 ans) y étudie les arts numériques et Jean-Charles De Maere (19 ans) est un jeune auteur passionné.
Nathan Dupouy évoque l’apparition du Turbo Média, une technique "qui consiste à essayer de mixer un peu d’animation avec de la bande dessinée. Mais on perd le côté bouquin, le fait de tourner les pages, etc.". Pour Gabriel Tardio, il ne faut pas voir ces nouvelles technologies comme un aspect négatif. "L’avantage, c’est que le numérique crée une nouvelle manière d’expression. C’est une brèche dans laquelle pas mal d’auteurs s’engouffrent". Pas de panique cependant, le secteur n’est pas encore très développé à ses yeux et "il ne remplacera pas le papier mais offrira un complément".
Pour Jean-Charles de Maere, jeune auteur, le numérique pourra permettre une meilleure diffusion des œuvres de bande dessinée mais il faudra être attentif aux droits d’auteurs et au téléchargement.
La Belgique, terre de BD ?
Pour Aurélie Gwam, étudiante, Bruxelles et la Wallonie sont un lieu privilégié pour la bande dessinée. "On valorise ce milieu grâce au Centre belge de la bande dessinée. Je crois qu’on est quand même bien loti ici".
"J e suis Français et la Belgique, c’est le paradis pour tous ceux qui veulent faire de la bande dessinée, ajoute Gabriel Tardio. Pas forcément aux niveaux financier et professionnel mais du moins à celui de la réputation. La Belgique est le pays où on est le mieux considéré quand on explique qu’on veut travailler dans ce milieu. Tout le monde est fasciné par cela". Nathan Dupouy tempère cet enthousiasme : " La réputation de la BD est bonne mais de là à trouver des éditeurs, c’est plus difficile. Est-ce qu’au niveau travail cela suit ? Je ne sais pas vraiment".
Se diversifier pour percer
Aux yeux d’Aurélie Gwam, une seule solution pour réussir : "de l’ambition mais aussi beaucoup de travail".
Pour Gabriel Tardio, l’essentiel est de se diversifier, de créer des ponts entre les disciplines et d’acquérir un maximum de compétences : " Pour se faire connaître, il faut des combines. Même si on est bon, c’est quand même une question de qualification. Il faut savoir faire plein de choses. Dessiner, c’est bien, mais il faut aussi savoir construire ses scénarios et créer sa couleur, au moins un peu, comprendre tout ce qui est numérique et ce qui est de l’ordre du jeu vidéo. Car, mine de rien, la bande dessinée et le jeu vidéo sont des mondes qui échangent beaucoup. Il faut se diversifier". Olivier Eggermont (st.)