Zweig et Rolland, les amis de trente ans
Un premier volume de leurs lettres (1910-1919) est édité en français.
Publié le 13-03-2014 à 14h12 - Mis à jour le 17-03-2014 à 10h22
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C’était bientôt la fin de la Belle Époque. Dès 1910, l’écrivain autrichien Stefan Zweig (1881-1942), toujours curieux de ses pairs et prompt à en prodiguer les louanges, entame une correspondance assidue avec son aîné français Romain Rolland (1866-1944), auteur du monumental roman "Jean-Christophe" - dix volumes - et Prix Nobel en 1915, attaché lui aussi aux grandes fresques biographiques, de Michel-Ange à Beethoven via Tolstoï.
Ce sont, en l’espèce, deux grands humanistes et pacifistes européens qui se rencontrent au départ de ces échanges épistolaires. "En envoyant à Romain Rolland en 1910 la biographie qu’il venait de consacrer à Émile Verhaeren, Stefan Zweig ne se doutait peut-être pas qu’il s’engageait là dans une amitié qui devait durer trois décennies." Zweig y reviendra plus tard d’ailleurs dans "Le Monde d’hier", qui lui tiendra lieu de mémoires. Traducteur de Verhaeren, il sera celui également de Camille Lemonnier et Charles van Lerberghe.
Entre l’Autrichien et le Français, pourtant, la longueur d’onde connaît d’emblée parfois quelques parasites. Tandis que Romain Rolland, vouant un culte à la fraternité humaine, refuse l’idée d’une guerre inéluctable ("Au-dessus de la mêlée", 1914), Stefan Zweig se laisse attraire par un élan mystique autrichien qui sous-tend un patriotisme en phase avec l’Allemagne. Mais, soutenu par Rolland, qui quant à lui épousera plus tard la cause soviétique, il renouera bientôt avec ses principes humanistes.
Le premier volume de cette correspondance intégrale qui voit enfin le jour (édition établie par l’historien Jean-Yves Brancy et traduction des lettres allemandes par Siegrun Barat) en France recèle, on le devine, un gisement de renseignements et de précisions utiles sur tous les aspects de la vie politique, intellectuelle et culturelle qui marque le pivot de ce début de XXe siècle, représentant à l’évidence un considérable événement littéraire. On ne s’en plaindra guère.
Correspondance 1910-1919 Romain Rolland et Stefan Zweig Albin Michel 637 pp., env. 30 €