La sensible légèreté du deuil
Plus poète que d’habitude, Stian Hole aborde la mort et l’étrange avec délicatesse. Beaucoup de douceur aussi dans "L’invité arrive", poème chinois.
- Publié le 11-04-2014 à 09h37
- Mis à jour le 14-04-2014 à 09h48
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Plus poète que d’habitude, Stian Hole aborde la mort et l’étrange avec délicatesse. Beaucoup de douceur aussi dans "L’invité arrive", poème chinois.L’amour, l’attente, le regret, la joie et le chagrin sont souvent au cœur de la poésie chinoise, la forme littéraire écrite la plus ancienne en Chine. Proche des chants populaires, son origine remonte à près de trois mille ans. Les poèmes avaient pour vocation de relier les gens entre eux, quels que soient leur degré d’instruction ou leur appartenance sociale. Car ils expriment le goût de vivre ensemble.
Ecrit par l’un des plus grands poètes chinois, Du Fu (712-770), sous la dynastie Tang, au VIIIe siècle, à l’heure où la poésie chinoise connaît une belle maturité, "L’invité arrive" respecte la régularité des poèmes de cette période dont les quatre temps, à savoir l’ouverture, le développement, le rebond et la résolution. On découvre d’abord le quotidien de l’hôte, puis son agitation avant l’arrivée de l’invité, agitation au sommet lors de l’ouverture du portillon suivie de la résolution par la convivialité.
Des silences visuels, de belles ellipses, une musicalité qui s’écrit au fil des strophes, "L’invité arrive" séduit par sa simplicité et sa profondeur. Par les valeurs véhiculées aussi. A l’horizon, deux mouettes semblent s’approcher. Sur fond brun couleur terre, les lignes blanches de la rivière s’élargissent pour annoncer le printemps. Seul, l’homme balaie l’allée au fleurs. Parce qu’il attend quelqu’un. Le portillon de paille s’ouvre enfin. L’invité arrive. Il mangera des plats simples et le voisin sera invité à partager le vin de la veille. La table blanche est dressée au jardin et des notes rosées égaient les collages élancés de Sara dans cet album dont la beauté de l’âme, du partage et du printemps est la plus grande invitée.
Rêver, ressasser. A l’envers comme à l’endroit, même s’il pleut des clous, c’est pareil, pense Anna qui sait, à l’électricité de ses cheveux, s’il se passe quelque chose. Son père a le ventre noué et est pressé alors qu’Anna observe la théière et l’éléphant. Tellement semblables. En ombre, dans le ciel, le visage de sa maman. Et ces hirondelles qui, sans doute, révèlent la recette de la tarte aux fraises. Puis le père et la fille partent dans d’autres mondes à la recherche d’une mère et épouse regrettée. Dans l’eau et dans le sillage des poissons volants, dans le ciel, ensuite, au pays des invisibles où l’essentiel côtoie l’éphémère.
Habile dans l’étrangeté, Stian Hole glisse dans "Le ciel d’Anna" plus encore de poésie qu’à l’accoutumée. Un album empreint de douceur, de tristesse mais aussi d’espoir grâce au voyage hors du temps et de l’espace. A la frontière du réel et de l’imaginaire, on y croisera des éléphants volants, des personnages ailés, des postiers indiscrets ou de belles endormies. Une vraie nostalgie émane de ces pages bleutées, de ces paysages apaisés, de ces collages surréalistes, de cet autre regard porté sur les rêves. Les albums de Stian Hole ("L’Eté de Garmann", prix du meilleur album à Bologne en 2007) laissent rarement indifférent. Et lorsque l’artiste norvégien évoque la mort, le deuil, il le fait sans accent dramatique, avec une légèreté sensible et respectueuse.
L’invité arrive Du Fu et Sara, traduit du chinois par Chun-Liang Yeh Hongfei 36 pp., env. 14,90 euros
Le Ciel d’Anna Stian Hole traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud Albin Michel jeunesse 48 pp., env. 12,50 euros. Dès 5 ans.