Picasso, cinq minutes avant la gloire et la célébrité
Dans le 4e "Pablo", Picasso accède à la célébrité et cède aux concessions qu’elle implique.
Publié le 13-04-2014 à 17h07 - Mis à jour le 14-04-2014 à 09h46
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Dans le 4e "Pablo", Picasso accède à la célébrité et cède aux concessions qu’elle implique. Même pour vous, c’est du chinois. Picasso est trop en avance sur son temps". Lorsque Derain s’ouvre à Fernande Olivier, "la belle Fernande" que Picasso a peinte une bonne centaine de fois, il exprime un sentiment fort répandu dans le milieu artistique parisien du début du XXe siècle. Bien que cela soit la bohème, que marchands et collectionneurs soient rompus aux excès des peintres, sculpteurs et poètes dont Montmartre est peuplé, peu ont encore l’esprit ouvert au travail de Picasso.
Après avoir retracé, sans l’édulcorer, le parcours du jeune Espagnol débarqué à Paris pour vivre de son don pour la peinture trois volumes durant, Julie Birmant et Clément Oubrerie en viennent à l’âge, toujours aussi précoce, auquel le génie prend le pas sur le conformisme qui, mine de rien, régit alors les arts plastiques.
Certes, le mode de vie des habitants du Bateau-lavoir sent le soufre. Certes, les mœurs affectives et sexuelles fleurent la liberté. Mais les figures tutélaires, peintres installés et gonflés d’autosatisfaction, comme le Matisse dépeint par les auteurs par exemple, décident encore quasi souverainement ce qui mérite d’être exposé, vu, acheté, possédé. Picasso, lui, n’en peut plus. A 26 ans en cette année 1907, il a fait le tour de la peinture un nombre incalculable de fois. Il peint de jour, de nuit, sous influence ou non, à l’impulsion. Il met en pratique ses théories. Son "Bordel", plus tard rebaptisé, tiens, tiens, de manière plus acceptable "Les demoiselles d’Avignon", fait scandale. Les prostituées défigurées, c’est non.
Birmant et Oubrerie achèvent leur série avec la même maestria qui l’avait animée trois tomes durant. Les portraits des grands noms qui font quelques pas sur la voie royale de Picasso touchent par leur vraisemblance. Ils ne débordent pas dans les facilités qu’offrent les mœurs dissolues du Paris de l’époque. Ni dans la violence des relations humaines abruptes et parfois presque animales. Leur Picasso, comme le vrai, n’a rien de tendre. Il n’hésitera pas à larguer toutes les amarres l’empêchant de rejoindre cette modernité qui l’appelle depuis toujours. Le succès, la célébrité, ce sera une autre histoire.
Picasso (Pablo, t. 4) Clément Oubrerie et Julie Birman Editions Dargaud, 90 pp., env. 18 €