Plongés dans l’enfer
La Première Guerre mondiale racontée par Pierre Stéphany.
Publié le 28-04-2014 à 09h23
La Première Guerre mondiale racontée par Pierre Stéphany.
Défiant "cet âge qu’on dit grand" (pour reprendre l’expression-titre d’un livre de Franz Hellens, paru chez Jacques Antoine en 1970), Pierre Stéphany poursuit, pour son plaisir et le nôtre, une activité d’historien/chroniqueur avec un talent fou de conteur-né. Après une carrière fleuve de journaliste (riche de milliers d’articles), c’est à la composition d’ouvrages qu’il s’adonne, au rythme d’un titre par an. Dans "C’étaient les Poilus !", c’est la Grande Guerre que survole un Pierre Stéphany qui place à même hauteur de célèbres gradés d’une tragédie (qui rime avec "boucherie") et les "hommes ordinaires" qui, de Verdun à l’Yser, se virent plongés dans l’enfer : océan de sang, de larmes et de boue, la peur les y rongeant comme les rongeaient les rats. Onze millions de morts, dont 43 000 Belges, au cours du plus atroce conflit qu’ait jusqu’alors connu l’Histoire. La première phrase est celle d’un observateur, lyrique et précis : "Pendant tout le mois de juin 1914, la menace courut comme la flammèche le long du cordon conduisant à la bombe". Un émouvant récit, où la documentation n’alourdit jamais l’écriture. Pour évoquer le "théâtre des opérations", Pierre Stéphany éclaire simultanément la scène et son sanglant rideau, et les acteurs autant que les figurants, ces soldats inconnus voyant leurs 20 ans fanés par la Faucheuse. Champ d’horreur, jusqu’à l’Armistice fixé peu avant midi : ce jour-là, se souvient Stéphany, son grand-père, horloger, mit les pendules, réveils et montres sur le chiffre 11 : "La onzième heure du onzième jour du onzième mois de l’année 1918". L’art de Pierre Stéphany ? Justesse et simplicité. Dire la vie, avant tout. Là où suffit la chanson, point besoin de symphonie. L’accordéon est parfois plus poignant que les grandes orgues.
C’étaient les Poilus ! Pierre Stéphany Ixelles Editions 350 pp., env. 22,90 €